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Discussion dans 'Musique, scène punk et skinhead' créé par Mamelon, 20 Août 2009.

  1. blop

    blop Membre actif


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    28 Novembre 2017
    Occitanie, France
  2. freedomcat

    freedomcat Membre actif


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    CGT ou pas (d'ailleurs apparemment il ne serait plus de la cgt) , d'une c'est des keufs, de deux cet organe est dirigé par des complotistes de la fachospère dirigé par Alexandre Langlois et Axel Ronde qui officient par exemple sur "boulevard volaire" , ils ont revêtu le gilet jaune et sont fièrement relayé par l'extrême droite, par des adeptes de la théorie du complot.

    Leur matraque n'est jamais loin

    Puis ce texte est inintéressant , quand je li ça : " Nous fonctionnaires de Police, Force De l’Ordre et Gardien de la Paix, notre devoir, notre engagement, notre raison de vivre est de protéger la population et donc d’exercer notre droit de retrait et notre devoir d’information, si nous identifions une situation ou une dérive dangereuse pour notre avenir à tous. " ...

    Et ça : " Nous demandons que soient clarifiées nos devoirs et nos responsabilités concernant l’usage de ces munitions " ...


    Ils n’exercent même pas leur "droit de retrait" , après toutes ces violences! Des rafles du vel'd'hiv, en passant par le 17 Octobre 1961 ou le 2 février 2017 et paye ta plainte , puis quand ils expulsent et enferment, c'est chimiquement naturel chez moi ...Je les emmerde !!!!

    DÉMISSION !!!

    Sur leur cite, tu tapes le nom de victimes d'interventions de la police de ces dernières années, y'à rien , tu tapes le mot femme, y'à rien , y'à pourtant eux des viols au sein de la police, et aussi des victimes de viols qui ont été mal auditionnées et puis il y'à des femmes policières mais même elles n'apparaissent pas...C'est quoi ce truc de ripoux !?!

    C'est quoi ce délire ...la convergence (gilets jaunes) (avec des flics !?)

    ! ACAB !
     
    Dernière édition: 3 Mai 2019
  3. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    J'espère que cette lecture via
    La Nébuleuse
    pourra servir, et si vous avez la flemme de lire ce long article, vous pouvez commander directement le livre qui est d'utilité publique.
    En attendant, n'hésitez pas à partager ces ressources et à en parler autour de vous (oui vous aussi messieurs, et oui toi aussi, là bas au fond).

    https://danslanebuleuse.fr/2019/03/19/une-culture-du-viol-a-la-francaise-de-valerie-rey-robert/?fbclid=IwAR2K5eK0-8LhTa4SunxDXqGWTvhO1HzU0SkJVLlo_GzOV5qh68yFb_tpCg8

    Extrait :

    " Éclairer une réalité sur laquelle les yeux se ferment "

    " Il serait aisé de se dire que nous ne sommes pas concernés; que ce sont d’autres gens qui pensent ainsi mais que nous, nous les condamnons.

    Mais si tous et toutes nous réagissons ainsi, si tous et toutes nous continuons à nous dire que l’impunité face aux violences sexuelles n’existe pas (…) alors les viols continueront dans la plus grande indifférence. (p9)"

    " La culture du viol désigne l’ensemble des croyances fausses, préjudiciables et stéréotypées au sujet du viol, des victimes de viol et des violeurs, qui créent un climat hostile pour les victimes (Julia et Herman Schwendinger, 1975) "



    " L’ensemble des violences sexuelles reste le seul type d’infraction où l’on va avant tout chercher la responsabilité du côté de la victime "

    " Le consentement implique que les deux sujets qui consentent soient égaux (p60) "



    "Éduquer au consentement, ou au respect des envies et des limites d’autrui pourrait-on préférer, commence donc logiquement par lutter contre la culture du viol et tous les préjugés toxiques qu’elle charrie… et plus largement contre le sexisme."


    " Agir contre la culture du viol : lutter maintenant, éduquer pour demain



    Contre la culture du viol, que faire ?



    Ce sera un combat de longue haleine, mais on peut identifier différents axes pour agir dès maintenant, parmi lesquels l’engagement dans toutes les luttes féministes, l’éducation égalitaire des enfants, et la mise en œuvre d’une éducation sexuelle populaire.

    Le premier axe concerne le féminisme dans son ensemble. On a vu que le viol était directement lié à l’assimilation de normes genrées stéréotypées et à la misogynie.
    Il est donc indispensable d’investir des fronts de lutte dès à présent pour imposer des rapports de force, pour médiatiser les affaires étouffées, pour faire tomber les violeurs, pour déconstruire les discours publics qui suintent la culture du viol, bref pour la fin de l’impunité.

    Le chemin est long encore, mais à titre d’exemple les démissions et licenciements suite à l’affaire de la Ligue du LoL (et les nominations qui ont suivies aux Inrocks par exemple) nous indiquent qu’à ne rien lâcher, on obtient des avancées.
    Il peut s’agir aussi de chercher à influencer les politiques publiques (sans se faire d’illusions sur la bonne volonté des politiciens : nous n’obtiendrons que ce que nous arracherons…).



    Ensuite, et c’est facile à dire si on s’en tient là, « il faut éduquer ». Oui mais éduquer qui, à quoi exactement et comment ? En ce qui concerne les plus jeunes, loin d’être juste une question de sensibilisation qui pourrait être présentée en quelques ateliers à l’école (ce qui serait déjà pas mal…), c’est toute l’éducation des enfants qui est en jeu : comment accompagner de jeunes personnes et leur transmettre confiance en soi, compréhension de soi, empathie, respect des autres et épanouissement ? (Oui ça fait beaucoup et c’est pas une mince affaire mais hé, j’espère que c’est l’idée derrière le fait d’avoir des enfants !)

    Plus précisément, comment faire en sorte que les petits garçons soient davantage encouragés à développer cette empathie, soient moins dans la compétition, la conquête ? Que les petites filles aient davantage l’assurance de dire non, d’aller à contre-courant, qu’elles soient en paix avec leurs corps et leurs désirs ? Finalement, en réfléchissant à ces questions d’éducation, il me semble que les principes à même de porter cette lutte sont avant tout des principes d’éducation bienveillante ET féministe.

    La première dimension insistant particulièrement sur les besoins de l’enfant, la compréhension de ces besoins et la non violence ; la seconde insistant particulièrement sur la déconstruction des rôles genrés… et les deux me semblant parfaitement cohérentes. Je n’en dirai pas plus ici car de nombreuses ressources existent sur ces principes d’éducation égalitaire et non violente.


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    Un dessin à colorier par Élise Gravel

    Bien sûr l’éducation ne concerne pas uniquement les enfants. Nous devons apprendre, nous devons nous éduquer (urgemment) à ces questions à tout âge, bien que ce soit toujours plus facile à dire qu’à faire… Nous avons besoin de formations en milieu professionnel, de formation des enseignant.es, et qu’elles soient obligatoires.

    Nous avons besoin que les juristes, les magistrats soient au fait de ces enjeux. Enfin, c’est ici que l’éducation populaire intervient : nous avons besoin d’une éducation populaire féministe qui s’adresse à tous et toutes. Sur la question du consentement, l’association Les Culottées du bocal propose par exemples des conférences gesticulées et des ateliers. Si vous êtes dans une association, que vous êtes enseignant.e, que vous travaillez dans l’animation (ou autre), vous pouvez les inviter à intervenir. " ....


    Lire la suite : https://danslanebuleuse.fr/2019/03/19/une-culture-du-viol-a-la-francaise-de-valerie-rey-robert/?fbclid=IwAR2K5eK0-8LhTa4SunxDXqGWTvhO1HzU0SkJVLlo_GzOV5qh68yFb_tpCg8


     
    Dernière édition: 3 Mai 2019
  4. blop

    blop Membre actif


    4 000

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    6

    28 Novembre 2017
    Occitanie, France
    Tu cites justes les passages puants sans intérêt essaies de lire "De nombreuses publications scientifiques sur l’agent CS (Orthochlorobenzylidenemalononitri........ Nous avons accès à des dossiers médicaux de soldats français ayant utilisés ces munitions sur 20 missions maximum de 1 à 4 heures et qui ont été gravement handicapés toute leur vie sur le plan respiratoire, leur poumons brûlée et nécrosés par les gaz qu’ils déployaient" , la partie sur la durée d'exposition, les données techniques de la grenade 59 et
    "
    Les multiples informations scientifiques collectées relatives à la dangerosité certaine et prouvée de l’agent CS sous toutes ses formes (aérosol de cristaux de CS dilués dans un solvant lui aussi identifié comme dangereux, grenade à poudre de cristaux secs de CS, munition combinée explosif et poudre de CS, etc.) doivent être communiquées à nos collègues et aux citoyens afin que chacun prenne ses responsabilités et puisse aussi vite que possible procéder aux examens qui s’imposent.



    Si l’on ajoute le nombre de nos collègues à celui des citoyens qui ont été exposés à ces gaz dans toute la France depuis novembre 2018, cela représente plus de 200,000 citoyens ce qui peut représenter une véritable catastrophe sanitaire."
    C'est cette partie technique qui me semble intéressante mais tu me cites les passage de propagande policière alors que j'ai clairement indiqué la source .

    Tu aurais aussi pu le prendre comme un complément plus technique à ce livret Brochure à télécharger – Désarmons-les ! sur la partie CS
     
  5. dawa

    dawa Membre du forum


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    19 Février 2012
    bonjour, peu de lecture, juste des passages de "feuilles d'herbe" de W.Withman, par contre
     
  6. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    Mais je lai lu et c'est pourquoi j'ai cité ces passages, plus haut lors de mon premier post :



    Alors le constat est clair, c'est des incapables, des malhonnêtes, des menteurs!
    Que font -ils de leur "droit de retrait" ? Rien!
    Et qu'ont ils fait avant ces mouvements "gilets jaunes", rien et ils ont toujours utilisé ces procédés et jusqu'à aujourd'hui, ils les utilisent toujours.

    Ils banalisent leurs "violences policières " en rejetant leur responsabilité et n'assumant pas leurs propres violences .


    Complément plus technique???
    Tu rigoles ou quoi , ils ne se complètent pas avec le collectif désarmons-les stp , leur travail est beaucoup plus rechercher et sourcé ,

    alors qu' avec ces "techniciens" d'keufs apprenties chimiste, qui eux ouaih ils l'ont la "technique" , quand c'est pour tiré et tué ...Car les éborgnéEs, les tabasséEs, les mains mutilées, une femme tuée, un homme tué ..."depuis novembre 2018" ils en parlent pas là dans ce pdf .
    Ce même pdf est télécharger, diffusé sur les réseaux et notamment ici et eux se lavent les mains, pas vu pas pris, les violences c'est pas eux, ils tirent mais c'est pas eux...Non mais qu'elle imposture!!

    et puis Alexandre Langlois, c'est aussi un ami de Chouard, il est aussi contributeur du Boulevard Voltaire (site d'extrême droite fondé par Robert Ménard ) et apparemment, la CGT est en conflit avec eux car il aurai des liens avec ER.

    Alors la convergence brune-rouge, flics... HORS DE MA VIE !!


    . A R A B ! A C A B !
     
    Dernière édition: 5 Mai 2019
  7. freedomcat

    freedomcat Membre actif

  8. freedomcat

    freedomcat Membre actif


    Non ..non.. non... non.. !

    Etats-Unis : l’avortement redevient un crime en Alabama, même en cas de viol


    L’Etat d’Alabama a désormais la législation la plus restrictive en matière d’IVG aux Etats-Unis : pas d’exception en cas de viol, pas d’exception en cas d’inceste non plus.

    L’avortement redevient donc un crime en Alabama, avec une seule exception : si la mère encourt un danger vital.

    Désormais les médecins qui pratiqueraient un avortement seraient susceptibles d’être condamnés d’une peine de 10 à 99 ans de prison.

    Ce vote remporté par les Républicains 25 (que des hommes) voix contre 6 :

    "Vous n’en avez rien à faire que des hommes abusent de femmes et les violent"
    -Bobby Singleton-


    IVG : "Not one uterus. NOT ONE UTERUS", quand les hommes décident pour les femmes.
     
  9. freedomcat

    freedomcat Membre actif

  10. K-wët

    K-wët Membre du forum


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    31 Mai 2019
    France
    Pour ma part je vais attaquer "Les chiennes savantes" de Virginie Despente dont j'ai déjà lu "Bingbang théorie" et "Baise moi".
    "Son œuvre, inventaire de la marginalisation de la jeunesse, participe étroitement à la libération des mœurs vécue par la génération X et l'acclimatation de la pornographie à l'espace public induite par les nouvelles techniques de communication. Par l'exploration transgressive des limites de l'obscénité, la romancière comme la cinéaste propose une critique sociale et un antidote au nouvel ordre moral. Plus encore, ses personnages interrogent sur un mode identificatoire le dérangement du sujet qui conduit de la misère et l'injustice à la violence contre soi-même, telle que la toxicomanie, ou contre autrui, comme le viol ou même le terrorisme, violences dont elle a eu elle-même à souffrir."
    Télécharger Les Chiennes savantes - Virginie Despentes Gratuitement

    Sinon je viens de terminer un grand classique "Les aventures de Sherlock Holmes" d'Arthur Conan Doyle.
    Et entre deux "Kenshin, Le vagabond" de Nobuhiro Watsuki (Manga).
     
    Dernière édition: 3 Juin 2019
    freedomcat apprécie ceci.
  11. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    ???

    C'est pas plutôt king kong théorie, je l'ai vu en version théâtrale au théâtre ...C'était top!

    Merci pour beaucoup pour ce lien téléchargement "Les chiennes savantes" :emoji_thumbsup::emoji_relaxed::emoji_thumbsup:


    Le spectacle complet est en vidéo :

    Virginie Despentes: King Kong Théorie

     
    Dernière édition: 3 Juin 2019
  12. K-wët

    K-wët Membre du forum


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    31 Mai 2019
    France
    Hahaha! Oui oui t'as raison! J'pensais à deux choses en même temps en écrivant le message et ça s'est mélangé...

    Merci pour le lien vidéo je savais pas qu'il avait été adapté!!
     
  13. freedomcat

    freedomcat Membre actif

  14. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    (Je n'avait pas eu le temps de rectifier le post)

    Pour la seule année 2018, rapporte Brasil de Fato, 420 personnes de la communauté LGBTI ont été assassinées ou se sont suicidées au Brésil suite à des agressions homophobes, selon l’ONG brésilienne Grupo Gay da Bahia.

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    Discriminations. Au Brésil, la Cour suprême pénalise l’homophobie


    Sinon aussi, pour suivre l'actu des luttes au Brésil un site très intéressant : Autres Brésils
     
  15. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif upload_2019-6-15_17-47-29.gif [​IMG]
    La Musique comme une Arme
    La symbiose controversée du Punk Rock et de l’Anarchisme


    De Victor Java à Public Enemy, la musique a joué un rôle central dans d’innombrables cultures de résistance. Une grande part de celleux qui ont participé au mouvement anarchiste entre 1978 et 2010 ont également fait partie de la contre-culture punk à un moment donné ; en effet, beaucoup ont d’abord été exposé·e·s aux idées anarchistes via le punk. Ce n’était peut-être que purement circonstanciel : peut-être que les mêmes traits de caractère qui poussaient les personnes à rechercher l’anarchisme les prédisposaient également à apprécier une musique agressive et produite de manière indépendante. Mais l’on pourrait également soutenir qu’une musique qui repousse les frontières esthétiques et culturelles peut ouvrir les auditeur·rice·s à un plus large éventail de possibilités dans d’autres domaines de la vie.

    Pourtant, au tournant du siècle dernier, alors que l’anarchisme commençait à faire ses preuves et à s’imposer aux États-Unis, l’activité radicale de la scène punk nationale a commencé à s’effondrer. Maintenant qu’il n’est plus possible de dépendre de la sous-culture punk1 comme d’un incubateur pour les anarchistes, nous devrions chercher à comprendre comment et pourquoi elle a joué ce rôle pendant trente ans.

    Ceci est une version révisée d’un texte initialement paru dans le numéro 7 de notre revue Rolling Thunder. Tu peux télécharger gratuitement la plupart des albums que CrimethInc. a sortis depuis 1996.

    Préface : Quand le Punk était un Terrain de Recrutement pour l’Anarchie
    « Les gens parlent de “prêcher des convertis” — eh bien qui les a putain de convertis ? »

    -Penny Rimbaud de Crass

    Il y a d’innombrables raisons pour ne pas lier le destin d’un mouvement révolutionnaire au sort d’une scène musicale. En entrant dans l’anarchisme via le punk, les personnes avaient tendance à aborder les activités anarchistes de la même manière qu’iels participeraient à une sous-culture de jeunes. Cela a contribué à un milieu anarchiste caractérisé par le consumérisme plutôt que par l’initiative, un accent mis sur l’identité plutôt que sur un changement dynamique, des activités limitées au temps libre des participant·e·s, des conflits idéologiques se réduisant pour l’essentiel à des disputes au sujet de goûts personnels, et une orientation vers la jeunesse qui rendait le mouvement largement hors de propos au début de l’âge adulte.

    Pourtant, pendant les décennies de réaction mondiale qui ont suivi les années 1960, le punk underground a été l’un des principaux catalyseurs de la renaissance de l’anarchisme. N’eut été le punk, dans de nombreuses parties du monde, les anticapitalistes seraient peut-être toujours en train de choisir entre des marques obsolètes de socialisme autoritaire.

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    Crass : les débuts anarchistes dans le punk.

    Certes, le concert punk moyen était tout autant dominé par le patriarcat qu’une classe d’université. Toutes les hiérarchies, les aspects économiques, et les dynamiques de pouvoir de la société capitaliste y étaient présents à plus petite échelle. Et l’anarchisme n‘était pas le seul credo qui utilisait cette tribune improvisée : d’innombrables idéologies s’affrontaient dans le milieu punk, du Néonazisme au Christianisme, en passant par la « conscience » Krishna. Mais tout cela ne fait que rendre plus frappant le fait que les idées anarchistes aient si bien résisté, dans la mesure où elles suscitaient moins d’engouement dans les autres milieux de l’époque.

    Nous pouvons attribuer ce succès à des facteurs structurels. Des années avant que l’accès à internet ne se répande, la scène punk do-it-yourself offrait un modèle rare d’activité horizontale et participative. En organisant leurs propres événements au sein de réseaux décentralisés, les participant·e·s ont pu faire l’expérience par elleux-mêmes des avantages de l’autonomie sans leader. Une fois que tu as organisé une tournée par tes propres moyens, en esquivant le monopole des salles de concert mercantiles, des labels et des tourneur·euse·s, il n’est pas difficile d’imaginer la possibilité d’organiser d’autres aspects de ta vie de façon similaire. Par ailleurs, dans une culture de jeunes fondée sur l’opposition à l’autorité, il y avait moins de mécanismes intégrés pour empêcher et supprimer les idées radicales.

    Il est également possible que les valeurs anarchistes aient pris racine dans la scène punk précisément parce qu’elles étaient largement marginalisées ailleurs : à une époque où les idées radicales étaient repoussées vers la périphérie, les sous-cultures périphériques regorgeaient de ces dernières. Cela peut créer une boucle de rétroaction qui maintien l’aspect marginal de ces idées, puisqu’elles ne sont pas associées à des initiatives populaires ou réussies. L’idéalisation de l’obscurité et de l’échec qui a permis au punk d’être un terrain accueillant pour les idéaux révolutionnaires dans les années 1980, n’a pas encouragé ses nouveaux·elles partisan·e·s à se battre pour gagner en dehors du ghetto punk.

    Mais l’exil volontaire de la communauté punk était également un mécanisme de défense efficace dans une ère de récupération capitaliste. La scène punk a aidé à maintenir les idées anarchistes vivantes entre les années 1970 et le 21ème siècle de la même façon que les monastères ont préservé la science et la littérature à travers le Moyen-Âge. Bien que les exigences et l’influence de l’économie capitaliste ont recréé les mêmes déséquilibres de pouvoir et le matérialisme que le punk avait espéré échapper — limitant la critique punk du capitalisme à une variante de la maxime libérale « acheter local », — la scène underground anticapitaliste DIY a fait preuve d’une remarquable résistance. Dans un cycle devenu bien connu, chaque génération s’est développée jusqu’à ce que les maisons de disques à but lucratif écrèment les groupes apolitiques les plus appréciés, ouvrant ainsi la voie à un retour à l’indépendance et à l’expérimentation de la base. Ainsi, la scène punk a fourni à l’industrie musicale un site d’essai et de développement gratuit pour de nouveaux groupes et tendances, mais ce processus a également servi à la purger des parasites.

    Loin des dénicheur·euse·s de talents de MTV, des labels indépendants concurrents et du consumérisme alternatif, nous pourrions trouver quelque chose de beau et de gratuit au cœur de la scène underground DIY. Au mieux, c’était un espace au sein duquel les rôles du protagoniste et du public devenaient interchangeables et les diktats de la culture dominante étaient ébranlés.

    Comparons cela avec les modèles d’activité anarchiste qui sont actuellement en vogue. Alors que l’activisme politique se concentre souvent sur des sujets extérieurs à la vie quotidienne de ses participant·e·s, et par conséquent, a tendance à coûter plus d’énergie qu’il n’en génère ; le punk DIY était fondamentalement axé sur le plaisir, offrant des activités épanouissantes en elles-mêmes. Bien que cela puisse paraître frivole, la socialité et l’affirmation sont tout aussi essentielles que la nourriture ou le logement. Dans certaines régions du monde, la scène punk était considérablement plus prolétarienne et sous-prolétarienne qu’une grande partie du milieu anarchiste actuel ; cela peut indiquer qu’elle répondait à des besoins réels plutôt que de satisfaire la propension de la classe moyenne à l’abstraction. À la différence des manifestations, souvent critiquées comme réactives, le punk a, au mieux, mis l’accent sur la créativité, démontrant ainsi une alternative concrète. Oui, il était clairement axé sur la jeunesse ; mais comme les jeunes sont parmi les personnes les plus potentiellement rebelles et ouvertes aux nouvelles idées, cela pourrait être considéré comme un avantage. En se concentrant sur l’expression de soi, le punk a permis aux participant·e·s de renforcer leur confiance en elleux et leur expérience lors d’efforts à faible risque, tout en produisant un grand nombre d’œuvres qui servaient également de matériel de sensibilisation ; en tant que mouvement culturel décentralisé, il s’est reproduit de manière organique plutôt que par le biais d’efforts institutionnels.

    Si nous tentions d’inventer un équivalent culturel à l’activisme contemporain qui serait capable de se renouveler, de se réapprovisionner en énergie et de propager les valeurs anarchistes chez les jeunes, nous pourrions faire pire. À elle seule, la culture des « mèmes » internet a considérablement moins de choses à offrir que le punk et est nettement moins recommandable.

    Les anarchistes se plaignent souvent du fait qu’en réalité, la scène punk était pleine de personnes sans aucun égard pour les valeurs anarchistes. Malheureusement, si nous voulons introduire de nouvelles personnes à l’anarchisme, nous allons devoir faire face à de nombreux individus qui ne sont pas anarchistes. C’est particulièrement vrai aux États-Unis, où si peu de personnes grandissent en étant exposées à des idées radicales. En revanche, en Italie, les punks anarchistes pourraient dire que « le Punk égale l’anarchie plus des guitares et une batterie ; se contenter de moins n’est que soumission. »

    Il y a beaucoup à dire sur le fait d’intervenir dans des environnements divers, au sein desquels les idées des individus et la culture qui les relie ne cessent d’évoluer. Parce que la scène punk n’était redevable d’aucun cadre idéologique rigide, elle offrait un espace d’expérimentation plus fertile que beaucoup de milieux plus explicitement radicaux. Si cette leçon avait été appliquée ailleurs — si les anarchistes avaient initié des projets influents dans d’autres milieux horizontaux, diversifiés sur le plan politique et basés sur des réseaux — les idées anarchistes auraient pu se répandre encore davantage.

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    Concert Punk à Singapour dans les années 1990.

    Malgré le fait que les critiques accusent souvent la scène punk de n’être rien d’autre qu’un parc pour consommateurs privilégiés des pays occidentaux, le punk a fait partie intégrante de la résurgence des idées anarchistes bien au-delà des États-Unis et de l‘Europe. Alors que le punk est incontestablement né en Grande Bretagne et aux États–Unis, une grande partie de l’activité punk underground mondiale se passe en Amérique Latine et au niveau de la ceinture du Pacifique, sans parler de l’Afrique du Sud, d’Israël, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, et de l’ancien bloc soviétique. Dans beaucoup de ces pays, le punk est encore plus ouvertement associé aux politiques radicales qu’il ne l’a été aux États–Unis ; le punk a joué un rôle particulièrement décisif dans la revitalisation de l’anarchisme dans des contextes où il n’y avait pas d’alternative radicale à l’hégémonie marxiste. Cela serait très instructif d’examiner pourquoi le punk s’est implanté dans des pays tels que le Brésil, la Malaisie, et les Philippines mais pas — ou peu — en Inde ou dans la plupart des pays arabophones, et d’étudier comment cela corrèle avec la diffusion des idées anarchistes pendant les trente dernières années.

    Punk et Résistance : Une Trajectoire
    La première grande vague du punk politisé peut probablement être imputée au groupe britannique Crass, qui s’est inspiré du Dadaïsme et d’autres traditions avant-gardistes pour façonner le punk rock des débuts en une forme d’agitprop culturelle. Des décennies plus tard, un touriste en Grande Bretagne pouvait trouver de petits cercles d’anarcho-punks adultes politisés par Crass qui participaient toujours à la même musique underground indépendante et reprenaient les mêmes arguments à propos du groupe The Clash chaque fois qu’ils se saoulaient.

    Aux États-Unis, plus d’une décennie plus tard, la scène underground DIY du milieu des années 1990 a contribué à une augmentation de l’activisme en faveur des droits des animaux et a ouvert la voie au mouvement antimondialisation. Des magazines tels que Profane Existence ont introduit des perspectives radicales sur tous les sujets, allant du féminisme aux armes à feu ; des communautés DIY se sont développées au sein desquelles tout le monde écrivait un zine, jouait dans un groupe, ou organisait des concerts dans leurs caves ; même dans les scènes les plus virilistes, chaque groupe s’adressait au public entre les morceaux — dans certains cas, seulement pour inciter les personnes à danser plus violemment.

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    La dernière publication de la première génération du magazine Profane Existance, comprenant un reportage de solidarité envers le prisonnier noir américain Mumia Abu-Jamal.

    À la veille du début du mouvement antimondialisation2, des centaines de punks se sont réuni·e·s à Philadelphie à la fin du mois d’avril 1999 pour Millions for Mumia, une marche pour dissuader l’État de Pennsylvanie d’exécuter Mumia Abu-Jamal. Pour beaucoup, c’était la première fois qu’iels voyageaient hors de leurs villes pour participer à une manifestation ; de même, bien qu’aucun conflit majeur n’ait eu lieu avec la police, c’était la première fois que la plupart d’entre elleux se rassemblaient publiquement masqué·e·s et vêtu·e·s de sweat-shirts noirs. Ce moment, au cours duquel les punks politisé·e·s ont réalisé qu’iels étaient assez nombreux·euses pour constituer une force sociale, a préparé le terrain pour tout ce qui allait suivre ; un an plus tard, beaucoup des participant·e·s se sont battu·e·s côte à côte lors des manifestations contre la réunion officielle du FMI et de la Banque Mondiale en avril 2000 à Washington, DC. Le soir après la manifestation, une foule s’est réunie au Stalag 13, une salle DIY locale, faisant salle comble, pour voir His Hero His Gone ; le sentiment qu’il n’y avait pas de réelle distinction entre l’identité sous-culturelle et l’activité politique flottait dans l’air. La même année, le Primate Freedom Tour a réussi à faire la synthèse entre la musique punk et l’activisme radical, en utilisant une série de concerts à travers le pays pour promouvoir des manifestations régionales contre les laboratoires effectuant des expérimentations sur des primates.

    L’explosion du DIY du milieu des années 1990 a alimenté la dynamique du mouvement antimondialisation. Celleux qui ont été dans ou proche de groupes punk comprenaient déjà comment un groupe affinitaire fonctionnait ; par conséquent, le fait d’opérer au sein de réseaux décentralisés et de coordonner des actions autonomes vint naturellement. Il était facile pour les personnes qui voyageaient régulièrement à travers le pays pour se livrer à des événements sous-culturels insoumis de dorénavant effectuer ces mêmes déplacements afin de participer à des manifestations anticapitalistes incontrôlables. Lesdits « summit-hopping » — se déplacer d’un contre-sommet à un autre — offraient bon nombre des mêmes incitations que le punk — risque, excitation, convivialité, possibilités d’être créatif·ve et de lutter contre l’injustice — avec l’attrait supplémentaire de se sentir être aux premières lignes de l’histoire.

    Au cours de la période menant à l’explosion de l’activité politique, la musique et la culture punk sont devenues plus expérimentales alors que les punks cherchaient à faire correspondre esthétique audacieuse et rhétorique radicale. Il y avait toujours eu une tension dans le punk entre les aspects artistiques traditionnels — progressions musicales à trois accords et des dessins faits main — et le désir d’innover et de défier. Comme la sous-culture offrait aux participant·e·s des conceptions plus larges de ce qui pourrait être possible, iels ont commencé à jouer de la musique et à avoir des exigences allant au-delà des limites imposées par leur forme d’expression artistique. D’une part, une musique innovante pouvait rendre des idées radicales plus convaincantes : en suivant une expérience à la fois inconnue et exaltante, une personne écoutant cette musique pouvait être plus susceptible de croire qu’un monde totalement différent était possible. D’un autre côté, cette expérimentation a contribué à la fragmentation de la sous-culture punk, puisque les traditions ont été abandonnées et les normes en matière de musicalité et de créativité ont atteint des sommets prohibitifs.

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    De l’underground inflexible…

    Éventuellement, les phénomènes instables se décomposent en leurs éléments constituants et se stabilisent. Par exemple, le groupe suédois Refused, qui avait combiné hardcore, techno, jazz, et musique classique sur son dernier album, s’est séparé en 1998, et ses membres ont ensuite formé des groupes beaucoup plus traditionnels en fonction de leurs goûts individuels — aucun d’entre eux n’était aussi intéressant que Refused. De la même façon qu’à un moment donné, il existait un mouvement anarchiste que pouvaient rejoindre les punks les plus politisé·e·s, un processus similaire a eu lieu au sein de la scène punk. Jusqu’en 1999, les punks politisé·e·s avaient tendance à rester autour de la scène underground DIY, puisqu’il n’y avait généralement pas de milieu révolutionnaire plus large dans lequel évoluer ; jouer de la musique et écrire des zines était vu comme une activité politique, malgré les horizons étroits qu’offrait la sous-culture. Tout cela a changé après les manifestations de 1999 contre l’OMC, qui ont lancé une ère de manifestations et d’organisation politique sans interruption. La plupart des personnes qui étaient sérieuses par rapport à leurs politiques se sont détournées de la scène punk. Pendant ce temps, les personnes qui étaient impliquées dans le punk uniquement pour la musique et la mode restèrent, et menèrent un mouvement de réaction contre les engagements politiques de toutes sortes. Alors que d’autres se focalisaient sur des convergences anarchistes, des black blocs, ou des processus de responsabilisation, les réactionnaires étaient celleux qui continuaient à organiser des concerts et à enregistrer des albums, et iels donnèrent le ton à une scène punk du 21ème siècle apolitique et musicalement conservatrice.

    Entre 1998 et 2002, presque chaque groupe qui avait participé et aidé à la politisation de la scène punk underground s’est séparé, et beaucoup de magazines influents ont cessé de paraître. En mai 2002, lorsque des anarchistes de Boston ont organisé le Festival del Pueblo, une rupture s’était développée entre les éléments esthétiques et politiques de la sous-culture, rupture se traduisant par des tensions entre punks qui n’étaient présent·e·s que pour les concerts et anarchistes qui cherchaient à créer un mouvement révolutionnaire. Pour ne nommer qu’un seul exemple, la personne qui avait organisé le concert de His Hero Is Gone après la manifestation Millions for Mumia et qui, plus tard, a joué un rôle dans l’organisation anarchiste contre la Convention National Républicaine de 2000, est venue jouer avec son groupe lors du festival, mais après le concert, elle décida de rentrer directement chez elle au lieu de participer à la manifestation prévue pour le lendemain.

    Quelques années plus tard, la séparation entre punk et anarchisme était totale. Même Against Me, les progéniteur·rice·s du folk punk comme réaction à la stagnation de la scène anarcho-punk, a déserté le mouvement DIY et rejeté ses anciennes opinions politiques anarchistes. From Ashes Rise, dont les membres ont été les confrères du groupe indépendant et sans concession His Hero Is Gone, a signé sur un plus gros label et a enregistré un album final dont certaines chansons font référence à une guerre nucléaire — une régression à la nostalgie des années 1980 encore plus absurde en plein milieu de la guerre en Irak — avant de se séparer. Le Punk — du moins pour cette génération — avait atteint la fin de sa trajectoire comme moteur de changement social.

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    … à l’avant garde de la récupération.

    Technologie, Légitimité, et Accessibilité
    Revenons à la résurgence du folk-punk peu après le tournant du siècle. His Hero Is Gone a été l’un des premiers groupes DIY à passer d’amplis à une seule enceinte aux amplis composés de plusieurs baffles (« full stacks »), et en quelques années chaque groupe qui souhaitait être pris au sérieux a fait de même. Cela à conduit à une course aux armements et à une sorte d’inflation de l’esthétique : aucun volume sonore n’était assez fort, aucun enregistrement suffisamment puissant, aucun matériel suffisamment cher3. Le folk-punk était une réaction à cela : un format accessible, peu onéreux, et consciemment brut et rudimentaire. Pourtant, il n’a jamais atteint la popularité du punk basé sur du matériel électrique ; de manière révélatrice, le groupe phare Against Me a adopté une instrumentation rock standard au cours de sa transition vers le carriérisme corporatiste.

    De façon similaire, on pourrait se demander pourquoi, parmi tous les formats qui ont prospéré dans la scène underground DIY, il n’y avait jamais de troupes de théâtre itinérantes. À première vue, le théâtre serait le médium idéal pour des artistes indépendants ayant un accès aux ressources limité. Une troupe de théâtre pourrait voyager sans équipement coûteux ni le besoin d’avoir un gros véhicule ; les représentations pourraient avoir lieu pratiquement n’importe où. Dario Fo, le Living Theatre… le théâtre radical a eu une riche histoire dans tous les pays et à toutes les époques. Les spectacles de marionnettes étaient pratiquement devenues un cliché dans la scène DIY — alors pourquoi pas le théâtre ?

    Ceci indique un matérialisme persistant dans la culture DIY. L’équipement, qu’il s’agisse d’une piètre scène de marionnettes en carton ou d’amplificateurs d’une valeur de dix mille dollars, confère la légitimité tant attendue par les artistes et les spectateur·rice·s. « Regarde, » pourraient se dire des marginaux de la classe ouvrière, en désignant un van rouillé rempli d’équipement qui leur coûte des années de salaire, « nous sommes un vrai groupe ! »

    Dans une société capitaliste, les activités se voient attribuer un sens principalement par le biais du marché et des médias. La musique rock était originellement une forme d’art de la classe ouvrière qui a fini par être exploitée par les capitalistes comme une culture de rente ; le sens que les personnes y trouvent est bien réel, mais il est généré par des forces largement indépendantes de leur volonté. Les « rock stars » sont importantes précisément parce que tout le monde ne peut pas en devenir une. Paradoxalement, les punks ont adopté le format rock comme moyen d’affirmer leur propre importance, et ce, même dans le processus de rébellion contre les sociétés qui les ont initié·e·s à ce format.

    On pourrait lire l’ascension et la chute du punk DIY comme le « hoquet » historique au cours duquel les moyens technologiques nécessaires à la production de disque et à l’impression sont devenus pour la première fois accessibles au grand public. Crass était l’un des premiers groupes à sortir ses propres disques ; c’était excitant parce qu’ils utilisaient une technologie qui était en grande partie inaccessible à la classe ouvrière. Toutefois, en quelques décennies, cette percée a perdu toute sa signification en raison des progrès technologiques et de la sursaturation. Une fois que n’importe qui pouvait sortir un disque, ce n’était plus significatif — ce n’était pas « réel » en ce sens que tout ce qui est à la télévision est « réel » alors que nos vies sont perçues comme irréelles et insignifiantes.

    La scène punk a été fondée sur les tensions créées par l’accès limité aux moyens de production musicaux ; avec l’arrivée des technologies qui ont étendu cet accès à tout le monde, ses structures se sont effondrées. L’internet a remplacé les réseaux de distribution et les cultures zines minutieusement construit·e·s par le caractère immédiat du téléchargement de musique et des blogs ; certaines de ces opérations ont eu lieu dans des structures véritablement décentralisées, mais la plus grande partie était basée sur des contrefaçons corporatistes telles que myspace.com. La prolifération de ces dernières était particulièrement ironique en ce que la scène underground DIY avait été une zone d’essai pour le genre de systèmes basés sur des réseaux que l’internet a par la suite universalisé.

    Lorsque chaque groupe d’adolescent·e·s de la classe moyenne pouvait avoir sa propre page web et son propre studio d’enregistrement à domicile, le désenchantement qui s’ensuivit révéla à quel point la promesse de célébrité « rock » avait été banale en premier lieu. À certains égards, il est sain de se débarrasser des ses illusions, en particulier de celles inculquées par ses ennemis. D’un autre côté, si rien ne les remplace, le monde risque encore davantage de se vider de son sens — et le nihilisme pur aide à maintenir le statu quo.

    Le punk a été excitant parce que, à la différence du rock corporatiste, il a offert une expérience relativement sans intermédiaire : on peut rencontrer ses musicien·ne·s préféré·e·s, danser et interagir en dehors des prescriptions d’une société répressive, voire même former son propre groupe et refaçonner la sous-culture elle-même. Des milliers de personnes ont assisté aux concerts de Black Flag parce qu’ils offraient une expérience véritablement différente de tout ce que le capitalisme corporatiste avait à offrir. Mais une fois qu’internet à fait de chaque groupe sa propre agence de promotion et youtube.com a permis a chacun·e d’apparaître sur l’équivalent de MTV, la musique indépendante n’était pas moins influencée par et dépendante des représentations technologiques que ne l’est la musique corporatiste, et non moins insipide.

    Apprendre du Punk
    La longévité du punk en tant que terrain fertile pour l’anarchisme montre à quel point nous avons tout à gagner d’activités sociales agréables et créatives. En cultivant des courants culturels organiques, nous pouvons créer des mouvements sociaux qui ne dépendent d’aucune institution mais qui se reproduisent naturellement. Dans l’idéal, ils devraient être subversifs sans provoquer de répression immédiate — il est important de prendre position, mais les participant·e·s doivent avoir suffisamment de temps pour suivre un processus évolutif avant que la police ne sorte ses matraques. Un espace durable qui nourrit des communautés de résistance à long terme peut finalement contribuer davantage à la lutte militante plutôt qu’une sorte d’insurrection impatiente qui commencerait par la confrontation au lieu de progressivement évoluer vers cette dernière.

    Bien que le punk ait été considéré comme insulaire, le succès de l’anarcho-punk montre à quel point il peut être efficace pour les anarchistes de s’investir dans une approche continue au sein d’un milieu de taille raisonnable. Tant mieux s’il s’agit d’un espace politiquement diversifié dans lequel le débat et le changement de dynamique peuvent se produire et où de nouvelles personnes peuvent rencontrer des idées radicales.

    En même temps, il est paralysant pour un mouvement social visant à transformer l’intégralité de la vie d’être associé à une simple et unique sous-culture. En tirant profit d’années d’expérience d’organisation anarchiste enracinée dans la scène punk, nous pouvons comprendre l’importance de créer des espaces qui rassemblent des personnes de tous horizons sur un pied d’égalité. De même, nous pouvons tirer des leçons des facteurs qui ont à la fois produit et entravé le punk, tel que la relation amour-haine avec la célébrité « rock. » Canaliser les désirs promus par la société capitaliste dans des mouvements de résistance peut produire une croissance rapide, mais aussi des défauts fatals qui n’apparaissent qu’au fil du temps.

    Aujourd’hui, dans le mouvement anarchiste, il nous manque parfois l’esprit dionysiaque qui a caractérisé le punk hardcore à son apogée : l’expérience collective et incarnée de la liberté dangereuse. C’est ainsi que le punk peut nous inspirer dans nos expériences anarchistes d’aujourd’hui et de demain : en tant qu’exutoire significatif pour la rage, le chagrin et la joie, un modèle positif de solidarité et d’autodétermination dans nos relations sociales, un exemple de la façon dont le désir destructeur peut également être créatif — et vice versa.

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    1. Le terme « punk » a été utilisé pour décrire un large éventail de phénomènes au cours des quarante-cinq dernières années. Dans cette analyse, il se réfère aux réseaux sociaux et culturels associés à la scène underground do-it-yourself, et non à un style musical particulier ou à une mode.

    2. Le 18 juin 1999, lors d’une journée mondiale d’action coïncidant avec le 25ème sommet du G8, la ville de Londres a été perturbée par un « Carnaval Contre le Capitalisme » de Reclaim the Streets, action qui résulta sur une énorme émeute. La couverture médiatique indépendante de cet événement laissait présager le réseau Indymedia, qui, cinq mois plus tard, voyait le jour lors des manifestations historiques contre le sommet de l’OMC à Seattle, et annonçait une nouvelle ère d’organisation anticapitaliste.

    3. Quiconque connaissant le fonctionnement interne de l’industrie musicale sait que peu de salles, moins de labels et presque aucun musicien ne gagnent de l’argent sur leurs efforts. Donc où va l’argent ? Peut-être aux fabricants d’instruments et d’équipements de musique. On peut trouver d’innombrables amplificateurs d’occasion à vendre qui « n’ont jamais quitté la cave » — comme d’habitude, les capitalistes nous vendent des rêves impossibles, puis tirent profit de nos tentatives à les réaliser.
     
    Dernière édition: 15 Juin 2019
  16. freedomcat

    freedomcat Membre actif

  17. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    INTERRO SURPRISE !

    Depuis combien les femmes on a accès au vote ?

    Depuis combien de temps les écoles sont mixtes à votre avis ?

    Quand a ton enfin fixé l'age légal du mariage pour une femme en France à 18 ans ?

    Dates marquantes dans l’histoire des femmes :

    1836


    Ouverture de l’accès à l’éducation en primaire pour les filles. L’ordonnance du 23 juin organise l’enseignement primaire pour les filles.

    1861

    Première femme obtenant le baccalauréat. Après une bataille de plusieurs années, l’institutrice Julie Daubié est la première femme autorisée à se présenter au baccalauréat, qu’elle obtient en l’ayant préparé seule.

    1907

    La Loi du 13 juillet 1907 autorise les femmes mariées à exercer une profession séparée, sauf opposition de leur mari et à disposer librement de leur salaire.

    1909

    La loi institue un congé de maternité de huit semaines, sans rupture de contrat de travail mais sans traitement (en 1910, les institutrices obtiennent le maintien du traitement).

    1924

    Uniformisation des programmes scolaires pour les garçons et les filles. Décret du 25 mars 1924 énonce : « Les programmes de l’enseignement secondaire ainsi que le baccalauréat deviennent identiques pour les filles et les garçons ».

    1944

    Ouverture du droit de vote aux femmes. L’ordonnance du 21 avril, signée du général de Gaulle, introduit le suffrage universel en permettant pour la première fois aux femmes de voter et d’être éligibles dans les mêmes conditions que les hommes.

    1945

    La charte des Nations Unies du 26 juin 1945 reconnaît, dans son préambule, le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes et l’article 55 énonce que le respect effectif des droits de l’Homme pour tous et toutes suppose l’absence de discrimination notamment à raison du sexe.

    1946

    Modification du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Le principe d’égalité entre les femmes et les hommes est reconnu dans ce préambule qui a valeur constitutionnelle en intégrant la Constitution du 4 octobre 1958.

    C’est l’année ou une femme accède au perchoir pour la première fois : Madeleine Braun (communiste) est élue vice-présidente de l’Assemblée nationale (2ème Assemblée constituante). Andrée Viénot, sous-secrétaire d’État à la jeunesse et aux sports, est la première femme ministre sous la IVe République.

    1947

    Dans le gouvernement de Robert Schuman, Germaine Poinso-Chapuis est la première femme nommée ministre (de la Santé publique et de la Population).

    1948

    Dans la déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948. L’article 2 consacre le principe de non discrimination notamment à raison du sexe.

    1958

    Au sein des colonies, les femmes ont obtenu le droit de vote bien après 1944. Jusqu’en 1958, les femmes “autochtones” d’Algérie (c’est-à-dire les Algériennes qui étaient considérées comme ayant un statut de musulman ou les “Non-européennes”) n’ont pas le droit de vote. Charles de Gaulle le leur accorde en juillet 1958.

    1965

    La loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux modifie le régime légal du mariage du couple se mariant sans contrat : les femmes peuvent gérer leurs biens propres et exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari.

    1967

    Légalisation de la contraception. Loi Neuwirth du 28 décembre : la contraception est autorisée. Cependant la publicité pour la contraception, interdite par la loi de 1920, n’est toujours pas autorisée en dehors des revues médicales.

    1970

    Suppression de la notion de chef de famille. La loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale conjointe supprime la notion de “chef de famille” du Code civil.

    Augmentation de l’indemnisation du congé maternité. Le congé de maternité est indemnisé à 90 % par l’Assurance maternité au lieu de 50%.

    1972

    Ouverture aux femmes des concours des grandes écoles. L’École polytechnique devient mixte : huit femmes sont reçues et l’une d’entre elles (Anne Chopinet) sera major de promotion.

    1974

    Amélioration de l’accès à la contraception. La loi du 4 décembre 1974 instaurera la gratuité et l’anonymat de la contraception dans les centres de planification pour les mineures.

    1975

    Légalisation de l’avortement pour 5 ans. La loi dite Veil du 17 janvier 1975 autorise l’IVG pour une période probatoire de 5 ans.

    Divorce par consentement mutuel. La loi du 11 juillet 1975 instaure le divorce par consentement mutuel.

    Ouverture du premier refuge pour femmes battues, à Clichy, qui porte le nom de ” Flora Tristan “, l’une des icônes du féminisme en France au XIXe siècle.

    1976

    Mixité dans les écoles. Décret du 28 décembre 1976 relatif à l’organisation de la formation dans les écoles maternelles et élémentaires de la loi du 15 juin 1975 (dite Loi “René Haby”) rend la mixité obligatoire pour tous les établissements d’enseignements primaires et secondaires.

    1979

    Adoption définitive de l’IVG légale. La loi du 31 décembre 1979 dite « loi Pelletier » reconduit définitivement la loi Veil du 17 janvier 1975. Mais cependant elle augmente les peines pour les femmes et les médecins en cas d’IVG illégale.

    1980

    Allongement et sécurisation du congé maternité. La loi du 17 juillet 1980 prolonge le congé de maternité à 16 semaines et interdit le licenciement des femmes enceintes.

    La loi du 23 décembre sur la répression du viol comporte enfin une définition précise : ” Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte ou surprise est un viol ” (article 222.23 du code pénal).

    Première femme élue à l’Académie Française : Marguerite Yourcenar.

    1983

    Convention de l’Organisation des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF/CEDAW), adoptée le 18 décembre 1979, ratifiée le 14 décembre 1983 par la France. L’article premier définit la terminologie « Discrimination à l’égard des femmes » : « Aux fins de la présente Convention, l’expression “discrimination à l’égard des femmes” vise toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine. » La première partie de la Convention précise les obligations des Etats et les parties 2 et 3 sont consacrées aux « droits des femmes » visés par ce texte et à leur mise en œuvre.

    1985

    Egalité des droits entre les époux. La loi du 23 décembre 1985 établit l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et l’égalité des parents dans la gestion des biens et des enfants mineurs .

    Suppression de la notion de chef de famille en matière fiscale. L’article 2 de la loi de finances du 29 décembre 1982 supprime la notion de chef de famille en matière fiscale.

    1987

    Egalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale. La loi du 22 juillet 1987 instaure l’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale.

    1989

    Lancement de politiques publiques pour lutter contre les violences faites aux femmes. Les pouvoirs publics affirment leur volonté de lutter contre les violences conjugales : lancement de la première campagne nationale d’information et création des commissions départementales d’action contre les violences faites aux femmes (circulaire du 12 octobre).

    1990

    Reconnaissance du viol conjugal. La Cour de cassation reconnaît le viol entre époux (arrêt du 5 septembre).

    1992

    Aggravation des sanctions pour les personnes qui exercent des violences sur leur conjoint·e. La loi du 22 juillet 1992, portant réforme des dispositions du Code Pénal (1994), mentionne expressément que la qualité de conjoint de la victime constitue une circonstance aggravante de l’infraction commise.

    Dépénalisation de l’IVG. La loi du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes réforme le code pénal : les femmes pratiquant l’IVG n’encourent plus de sanctions, mais l’avortement reste illégal hors des conditions définies par la loi.

    Définition légale de l’abus d’autorité. La loi du 2 novembre définit l’abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail (harcèlement sexuel).

    1993

    Affirmation du principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale quelque soit la situation des parents. La loi du 8 janvier affirme le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale à l’égard de tous les enfants, quelle que soit la situation des parents (mariés, concubins, divorcés, séparés).

    Dépénalisation de l’auto-avortement et création du délit d’entrave à l’IVG. La loi Neiertz du 27 janvier 1993 dépénalise l’auto-avortement et crée le délit d’entrave à l’IVG, suite aux attaques répétées de centres d’IVG par des commandos qui y sont hostiles.

    2000

    Première loi sur la parité. Le 6 juin 2000 la première loi dite sur “la parité” est promulguée. Elle contraint les partis politiques à présenter un nombre égal d’hommes et de femmes lors des scrutins de liste et prévoit une retenue sur la dotation financière des partis qui ne respecteront pas le principe de parité lors de la désignation des candidats pour les élections législatives.

    Arrivée du contraceptif d’urgence sans ordonnance. La loi du 13 décembre 2000 relative à la contraception d’urgence autorise la délivrance sans ordonnance des contraceptifs d’urgence non susceptibles de présenter un danger pour la santé.

    2001

    Amélioration de l’accès à l’IVG. La loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception actualise la loi de 1967 relative à la contraception et celle de 1975 relative à l’avortement : suppression de l’autorisation parentale pour l’accès des mineures à la contraception, allongement du délai légal de recours à l’IVG, aménagement de l’autorisation parentale pour les mineures demandant une IVG, et élargissement du délit d’entrave.

    2002

    Loi améliorant la sécurité des femmes au travail. La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 aborde, dans ses articles 168 à 180, la lutte contre le harcèlement moral au travail. Introduction dans le Code Pénal d’un délit, passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, à l’encontre de celui qui sollicite, accepte ou obtient, “en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution.”

    Choix libre du nom de famille des enfants. La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille et à l’autorité parentale permet aux parents de choisir le nom de leur enfant par déclaration écrite conjointe remise à l’officier de l’état civil. Ce nom peut être soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre qu’ils déterminent librement, dans la limite d’un nom pour chacun d’eux.

    2004

    Simplification des procédures de divorces, et protection du conjoint·e victime de violences. La loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, (applicable à compter du 1er janvier 2005) simplifie les procédures et précise, dans son article 22, les dispositions relatives à la protection du conjoint victime de violences conjugales.

    Premier programme en France de dépistage du cancer du sein. Le programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été généralisé en 2004.

    Création d’une haute autorité de luttes contre les discriminations sexistes. Loi du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (consolidée) crée la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité et renforce la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste. Cette loi modifie également la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse introduit des dispositions réprimant les propos sexistes tenus par voix de presse, de publicité, de communication au public, par voie électronique ou par tout autre moyen de publication.

    Suppression du délai de viduité. Le délai de viduité était un délai imposé par la loi aux femmes veuves ou divorcées. Les femmes devaient attendre 300 jours avant de se remarier.

    2006

    L’âge légal du mariage pour les femmes passe enfin à 18 ans. Loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs : pour contribuer à la lutte contre les mariages forcés, le texte aligne l’âge légal du mariage des femmes sur celui des hommes (18 ans au lieu de 15) et habilite le procureur à engager une action en nullité en cas d’absence de consentement de l’un des époux.

    La protection des victimes de violences est améliorée. La loi du 4 avril 2006 renforce la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs en : élargissant le champ d’application de la circonstance aggravante à de nouveaux auteurs (pacsés et « ex »), à de nouvelles infractions (meurtres – viols – agressions sexuelles) ; facilitant l’éloignement de l’auteur de l’infraction du domicile de la victime ; reconnaissant le vol entre époux lorsqu’il démontre une véritable volonté du conjoint violeur d’assujettir sa victime.

    2007

    Amélioration de la parité. La loi du 31 janvier 2007 impose une alternance stricte femmes-hommes dans la composition des listes électorales municipales (de 3500 habitants et plus) et introduit une obligation de parité dans les exécutifs régionaux et municipaux (de 3500 habitantes et plus). Elle augmente la pénalité financière encourue par les partis qui ne respectent pas la parité des investitures lors des élections législatives (75% de l’écart à la moyenne) et contraint les candidat-e-s aux élections cantonales à se présenter au côté d’un/e suppléant-e de l’autre sexe

    Création de le peine de suivi socio judiciaire. Loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance dont l’article 33 prévoit comme peine possible le suivi socio-judiciaire lorsque l’infraction est commise soit par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un pacte civil de solidarité, ou par son ancien conjoint, son ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité.

    2008

    Reconnaissance des discriminations sexistes au travail. Loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations transpose partiellement la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (refonte) et reconnaît le harcèlement moral et le harcèlement sexuel comme ayant un caractère discriminatoire, sexiste.

    2010

    Création de l’ordonnance de protection. Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants créée l’ordonnance de protection des victimes et la sanction de sa violation, le retrait total de l’autorité parentale pour les personnes condamnées comme auteur, co-auteur ou complice d’un crime sur la personne de l’autre parent et définit le délit de violence psychologique.

    2014

    Contrôle des contenus à caractère sexiste ou discriminatoire dans les médias. Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : Les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel seront renforcées afin d’assurer le respect des droits des femmes dans les médias. Il sera chargé de veiller à la lutte contre la diffusion de stéréotypes sexistes et d’images dégradantes des femmes. Le signalements des contenus illégaux par les éditeurs de sites internet est étendu aux propos sexistes, homophobes et handiphobes.

    1ère femme Maire de Paris : Anne Hidalgo.

    2016

    Suppression de la taxe tampon. Le 1er janvier 2016 : l’Assemblée Nationale vote une baisse de la « taxe tampon », passant de 20% à 5.5%, le taux de TVA à 5,5 %, dit « réduit », concerne, en théorie, les produits de première nécessité.

    Aide aux étrangères victimes de violences. 7 mars 2016 : Loi relative au droit des étranger·e·s en France : la loi donne plus facilement accès à un titre de séjour aux femmes étrangères victimes de violences.

    2017

    Amélioration de l’accès au logements sociaux, pour les femmes victimes de menacées de mariage forcé. 27 janvier 2017 : Les femmes menacées de mariage forcé sont reconnues par la loi relative à l’égalité et la citoyenneté comme public prioritaire à l’accès à un logement social.

    Amélioration de la lutte contre le délit d’entrave à l’IVG en prenant en compte les nouveaux médias. 20 mars 2017 : Promulgation de la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, qui étend le délit aux nouvelles pratiques virtuelles. Elle punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne.

    Première apparition d’un clitoris dans un manuel scolaire. Rentrée scolaire 2017 : Pour la première fois, le clitoris apparaît dans un manuel scolaire, un livre de SVT de 4ème (édition Belin), classe de collège où la reproduction est au programme, représentant l’appareil génital féminin dans sa globalité.


    Published by rdpfeministe https://maisondesfemmesdemontreuil.wordpress.com/2019/06/05/dates-marquantes-dans-lhistoire-des-femmes/?fbclid=IwAR1ERlsfwaYSrYfOvrEra6lblVeO_7ph4DxZYLaEs17aJFegp9ZyCuIKrXE
     
  18. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    L’Interview perdue de John Lennon (1971)
    Par Tariq Ali et Robin Blackburn


    Tariq Ali : Ton dernier enregistrement, ainsi que tes déclarations publiques récentes — surtout l’interview que tu as donnée au magazine Rolling Stone — laissent penser que tes opinions politiques se radicalisent de plus en plus. Quand cela a-t-il commencé ?

    John Lennon : Tu sais, je me suis toujours soucié de politique et j’ai toujours été contre le statut quo. C’est assez élémentaire lorsque tu as été élevé, comme moi, à haïr et à avoir peur de la police comme un ennemi naturel et de mépriser l’armée comme une chose qui emporte chaque personne et la laisse morte quelque part. Ce que je veux dire, c’est qu’il s’agit d’une chose naturelle dans la classe ouvrière, même si cela s’estompe lorsque tu vieillis, que tu fondes une famille et que tu es avalé par le système.

    Mais, dans un sens, j’ai toujours été politisé. Dans les deux livres que j’ai écrits (même s’ils ont été écrits dans un charabia à la Joyce), je cogne pas mal sur la religion. Il y a aussi une scène entre un ouvrier et un capitaliste. Je fais la satire du système depuis mon enfance. J’avais l’habitude de rédiger des papiers à l’école et de les passer autour de moi.

    J’étais très conscient de ma classe — certains diraient que j’étais amer — parce que je savais ce qui m’était arrivé et j’étais au courant de la répression de classe qui nous tombait dessus, c’était une putain de réalité, mais, avec l’ouragan que représentait le monde des Beatles, j’ai été épargné. Je me suis vraiment éloigné de la réalité pendant un bout de temps.

    Tariq Ali : Selon toi, quelle fut la raison du succès de votre style musical ?

    John Lennon : Et bien, à cette époque, on avait l’impression que les travailleurs avaient réussi à percer, mais rétrospectivement, je réalise que c’est le même contrat de dupe que celui qu’ils ont passé avec les Noirs : c’était juste comme s’ils avaient autorisé les Noirs à courir, à boxer ou à faire du spectacle. C’est le choix qu’ils vous permettent, à présent, le débouché est de devenir une pop-star et c’est ce que je dis dans mon album ‘Working Class Hero’. Ainsi que je l’ai déclaré à Rolling Stone, ce sont les mêmes qui sont au pouvoir et le système de classe n’a pas changé d’un iota.

    Bien sûr, on voit plein de gens marcher dans la rue avec des cheveux longs et des gosses branchés de la classe moyenne dans de jolis vêtements. Mais rien n’a changé, à l’exception du fait que nous nous habillons tous un peu mieux, laissant les mêmes salopards tout diriger.

    Robin Blackburn : Evidemment, la condition de classe est quelque chose à laquelle les groupes de rock américains ne se sont pas encore attaqués.

    John Lennon : Parce que ce sont tous des bourgeois ou des membres de la classe moyenne et qu’ils ne veulent pas le montrer. Ils ont vraiment peur des ouvriers, parce qu’en Amérique, ces derniers se cramponnent à leurs biens et semblent vraiment très à droite. Mais si ces groupes de la classe moyenne réalisaient ce qui se passe (et ce que le système de classes a produit), il ne tiendrait qu’à eux de faire rapatrier les soldats et de sortir de toute cette merde bourgeoise.

    Tariq Ali : Quand as-tu commencé à sortir du rôle que t’imposait le fait d’être l’un des Beatles ?

    John Lennon : Même pendant l’âge d’or des Beatles, j’ai essayé, tout comme George, de m’y opposer. Nous sommes allés en Amérique plusieurs fois et Epstein essayait toujours de nous baratiner pour que nous ne parlions pas du Vietnam. Alors, arriva un moment où George et moi avons dit : ‘Ecoute, la prochaine fois qu’ils nous le demanderont, nous dirons que nous n’aimons pas cette guerre et que nous pensons qu’ils doivent se retirer’. Et c’est ce que nous avons fait. À ce moment-là, c’était une chose plutôt radicale à faire, surtout pour les ‘Fab Four’.

    Mais tu dois garder en mémoire que je m’étais toujours senti refoulé. Nous avions tous une telle pression sur nous qu’il n’y avait pratiquement aucune chance pour que nous puissions nous exprimer. Surtout que nous travaillions à une telle cadence! Continuellement en tournée et toujours protégés dans un cocon fait de mythes et rêves.

    C’est assez difficile lorsque tu es César et que tout le monde te dit que tu es merveilleux et qu’on te fait des tas de cadeaux et que tu peux avoir toutes les filles. Il est très difficile de s’en déta-cher, de dire : ‘Bon, je ne veux pas être le roi, je veux être réel’. Donc, d’une certaine façon, la deuxième chose politique que j’ai faite fut de dire ‘Les Beatles sont plus grands que Jésus’. Cela a vraiment fait scandale ; en Amérique, j’aurais pu me faire descendre pour ça. Ce fut un grand traumatisme pour tous les gosses qui nous suivaient. Jusqu’à cette époque, il y avait ce contrat tacite consistant à ne pas répondre aux questions embarrassantes. Pourtant, je lisais toujours les journaux. Tu sais, les articles politiques…

    Etant conscient en permanence de ce qui se passait, je me sentais honteux de me taire. Je me suis emporté parce que je ne pouvais plus jouer à ce jeu. C’était trop pour moi. Bien sûr, aller en Amérique a fait monter la pression qui s’exerçait sur moi — surtout que ce pays était en guerre. Nous sommes devenus une sorte de cheval de Troie. Les ‘Fab Four’ se sont dirigés tout droit vers les sommets et puis ils ont chanté des chansons sur la drogue et le sexe et ensuite je me suis dirigé vers des trucs de plus en plus chargés et c’est à ce moment-là qu’on a commencé à nous laisser tomber.

    Robin Blackburn : N’y avait-il pas là une double accusation sur ce que tu faisais depuis le tout début ?

    John Lennon : Oui. En fait, la première chose que nous avons faite fut de proclamer au monde entier notre appartenance à Liverpool, et nous avons dit : ‘C’est très bien de venir de Liverpool et de parler de cette façon.’ Auparavant, tous ceux qui venaient de Liverpool et qui avaient réussi devaient perdre leur accent pour passer à la BBC. Ils n’étaient que des comédiens, mais c’est ce qui est sorti de Liverpool avant nous. Nous refusions de jouer à ce jeu-là. Après que les Beatles sont sortis au grand jour, tout le monde a commencé à prendre l’accent de Liverpool.

    Tariq Ali : Dans un sens, pensais-tu même à la politique lorsque tu paraissais dénigrer la révolution ?

    John Lennon : Ah! Oui ! ‘Revolution’ . Il y avait deux versions de cette chanson mais la gauche ne garda que celle qui disait ‘ne comptez pas sur moi’ [‘count me out’]. La version originale qui clôturait le LP disait aussi ‘comptez sur moi’. J’y avais mis les deux parce que je n’étais pas sûr. Je pensais que je peignais en musique une image de la révolution, mais tu sais, je me suis trompé. Mon erreur : cela était anti-révolutionnaire !

    Dans la version sortie en 45t, je disais ‘si vous parlez de destruction, ne comptez pas sur moi’. Je ne voulais pas me faire tuer. Je ne connaissais pas vraiment grand chose au sujet des maoïstes, mais je savais juste qu’ils semblaient être si peu nombreux. Tu sais, je pensais simplement que je n’étais pas subtil. Je pensais que les Communistes révolutionnaires originaux se coordonnaient un peu mieux et ne passaient pas leur temps à le clamer haut et fort à la ronde. Voilà ce que je ressentais, en réalité, je posais une question. En tant que personne issue de la classe ouvrière, la Russie et la Chine m’ont toujours intéressées, ainsi que tout ce qui rapportait à la classe ouvrière. Même si je jouais au jeu capitaliste.

    À un moment j’étais tellement impliqué dans ces conneries religieuses que j’avais pris l’habitude de me promener en disant que j’étais un Communiste chrétien. Mais la religion est la légalisation de la folie. C’est la thérapie qui balaya tout cela et me fit ressentir ma propre souffrance.

    Tariq Ali : Quel lien tout cela a-t-il avec ta musique ?

    John Lennon : L’art n’est qu’un moyen d’exprimer la souffrance. Je veux dire que la raison qui pousse Yoko à faire des morceaux aussi barrés est que la souffrance qu’elle a endurée est d’une sorte aussi barrée.

    Robin Blackburn : Beaucoup de chansons des Beatles parlaient de l’enfance…

    John Lennon : Ouais ! Cela devait surtout être moi…

    Robin Blackburn : Tu sais, même dans le passé, des gens prenaient des chansons des Beatles et changeaient leurs paroles. Par exemple, ‘Yellow Submarine’ avait un grand nombre de versions. Il y en avait une que les grévistes chantaient et qui commençait par : ‘We all live on bread and margarine’ [On n'a que du pain et de la margarine] ; à la LSE [London School of Economics], nous avions une version qui commençait pas ‘Nous vivons tous dans une LSE rouge’].

    John Lennon : J’aime ça. Et j’aimais, au début, lorsque les foules dans les stades de foot chantaient ‘All together now’, en voilà une autre. Cela me fit aussi plaisir lorsque le mouvement américain reprit ‘Give peace a chance’ parce que je l’avais écrite avec vraiment cela dans la tête. J’espérais qu’au lieu de chanter ‘We shall overcome’, qui date de 1800 et des poussières, ils disposent d’une chanson contemporaine. Je ressentais comme une obligation, même alors, d’écrire une chanson que les gens chanteraient dans les pubs ou dans les manifs. Voilà pourquoi j’aimerais à présent composer des chansons pour la révolution …

    Robin Blackburn : Nous n’avons que quelques chansons révolutionnaires et elles ont été composées au 19è siècle. Penses-tu qu’il y a quelque chose dans nos traditions musicales qui pourrait servir de support à des chansons révolutionnaires ?

    John Lennon : Lorsque j’ai débuté, le rock’n'roll lui-même était une révolution essentielle pour les gens de ma génération et de ma condition. Nous avions besoin de quelque chose de bruyant et de clair pour échapper à toute l’insensibilité et à l’oppression qui nous étaient tombées dessus quand nous étions gosses.

    Nous avions un peu conscience de commencer à être des américains artificiels. Mais nous avons étudié cette musique d’un peu plus près et nous avons découvert qu’elle était à moitié de la country blanche et à moitié du rhythm ‘n blues noir. La plupart des chansons venaient d’Europe et d’Afrique et à présent elles revenaient vers nous. Parmi les meilleures chansons de Bob Dylan, beaucoup d’entre elles venaient d’Ecosse, d’Irlande ou d’Angleterre. C’était une sorte d’échange culturel.

    Pourtant, je dois admettre que pour moi les chansons les plus intéressantes étaient les chansons noires. Parce qu’elles étaient plus simples. Elles disaient en quelques sortes de vous bouger le cul, ou la bite, ce qui était vraiment une innovation. Et puis, il y a eu les chansons des paysans qui exprimaient surtout la souffrance dans laquelle ils se trouvaient. Comme ils ne pouvaient pas s’exprimer intellectuellement, ils devaient dire ce qui leur arrivait en très peu de mots. Et ensuite, il y a eu le blues de la ville qui parlait beaucoup de sexe et de bagarres.

    Une grande partie de tout cela parlait d’eux-mêmes, mais c’est seulement ces dernières années qu’ils se sont exprimés totalement avec une ‘Puissance Black’ [Black Power], comme Edwin Starr qui faisait des disques guerriers. Avant cela, de nombreux chanteurs noirs continuaient d’être les victimes de ce problème de Dieu ; on entendait souvent ‘Dieu nous sauvera’. Mais les Noirs ont toujours chanté franchement et sur-le-champ leur souffrance et ils ont chanté aussi le sexe, ce qui fait que j’aime le rhythm ‘n blues.

    Robin Blackburn : Tu dis que les musiques country et de la côte ouest sont dérivées de chansons populaires européennes. Mais ces chansons ne sont-elles pas plutôt épouvantables, parlant toutes de perdre et d’être vaincu ?

    John Lennon : Lorsque nous étions gosses, nous étions tous contre ces chansons populaires parce qu’elles avaient tellement la teinte de la classe-moyenne. Ce n’étaient que les étudiants d’université avec leurs grandes écharpes et une pinte de bière à la main qui chantaient ces chansons populaires avec des voix prétentieuses: ‘J’ai travaillé dans une mine à Newcastle’ et toute cette merde.

    Il y avait très peu de chanteurs folk, tu sais. Pourtant, j’aimais un peu Dominic Behan et il y avait quelques bons morceaux que l’on pouvait entendre à Liverpool. Vraiment à l’occasion, tu entendais à la radio ou la télé de très vieux enregistrements de véritables ouvriers d’Irlande ou d’ailleurs qui chantent ces chansons, et leur puissance est fantastique.

    Mais la majeure partie de la musique folk, ce sont des gens avec des voix suaves qui essayent de maintenir en vie quelque chose de désuet et de mort. Tout cela est un peu gonflant, comme le ballet : un truc minoritaire qui est maintenu par un groupe minoritaire. La chanson populaire d’aujourd’hui est le rock’n'roll. Bien qu’il se trouve qu’il émane de l’Amérique, cela n’est pas très important en fin de compte parce que nous avons écrit notre propre musique et cela change tout. (…)

    John Lennon : Il semble que toutes les révolutions se terminent dans le culte de la personnalité, même les Chinois semblent avoir besoin d’une figure paternelle. Je m’attends à ce que cela produise à Cuba, avec le Che et Fidel Castro.

    Dans un communisme à l’occidentale, il nous faudrait créer une image quasi imaginaire des travailleurs eux-mêmes en tant que figure parentale. Mais ici, il y a un problème à ce sujet, tu sais. Toutes les révolutions se sont produites lorsqu’un Fidel ou un Marx ou un Lénine ou un autre, tous des intellectuels, ont été capables de convaincre les ouvriers.

    Ils avaient réuni pas mal de monde et les ouvriers semblaient comprendre qu’ils vivaient dans un Etat répressif. Ici, ils ne se sont pas encore réveillés, ils croient toujours que la solution se trouve dans les voitures et les télés. On devrait essayer d’amener ces étudiants de gauche à parler avec les ouvriers, on devrait faire en sorte que les écoliers s’impliquent dans The Red Mole.

    Tariq Ali : Le Parti Travailliste a introduit une politique d’immigration raciste, il a soutenu la guerre du Vietnam et il espérait introduire une nouvelle législation contre les syndicats.

    John Lennon : Oui, j’ai pensé aussi à cela. Le fait de nous mettre au coin nous oblige à découvrir ce qui tombe sur la tête des autres personnes. Je n’arrête pas de lire le Morning Star [quotidien du PCGB] pour voir s’il y a de l’espoir, mais il semble qu’ils sont restés au 19è siècle. Ce journal semble être écrit pour des gauchistes marginaux d’âge mûr. Nous devrions essayer d’entrer en contact avec les jeunes travailleurs parce que c’est à cet âge-là que l’on est le plus idéaliste et que l’on a le moins peur.

    D’une façon ou d’une autre les révolutionnaires doivent approcher les ouvriers car les ouvriers ne les approcheront pas. Mais il est difficile de savoir par où commencer ; nous essayons tous de fixer une rustine. Le problème, en ce qui me concerne, est que je suis devenu plus réel. Je me suis fortement éloigné de la classe-ouvrière — sais-tu qu’ils aiment Engelbert Humperdinck? À présent, ce sont les étudiants qui nous achètent, et c’est le problème. Aujourd’hui les Beatles sont quatre personnes séparées, nous n’avons pas l’impact que nous avions lorsque nous étions ensemble…

    Robin Blackburn : À présent tu essaies de nager à contre-courant de la société bourgeoise, ce qui est beaucoup plus difficile.

    John Lennon : Oui. Ils possèdent tous les journaux et ils contrôlent toute la distribution et la promotion. Lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait que Decca, Philips et EMI qui pouvaient vraiment vous produire un disque. Tu devais te farcir tout l’administratif pour entrer dans le studio d’enregistrement. Tu étais dans une telle position d’humilité que tu ne disposais pas de plus de 12 heures pour enregistrer tout un album, et c’est ce que nous avons fait à nos débuts.

    Même encore aujourd’hui, c’est la même chose. Si tu es un artiste inconnu, tu seras content d’obtenir une heure en studio, nous sommes dans une hiérarchie et si tu n’as pas de tubes, on ne t’enregistre plus. Et ils contrôlent la distribution. Nous avons essayé de changer cela avec Apple mais au final nous avons été vaincus. Ils contrôlent toujours tout. EMI a tué notre album ‘Two Virgins’ parce qu’ils ne l’aimaient pas. Avec le dernier album, ils ont censuré les paroles de nos chansons imprimées sur la pochette. Putain ! C’est ridicule et hypocrite, ils doivent me laisser chanter mais ils n’osent pas vous laisser lire les paroles. Pure folie !

    La seule chose est donc de leur parler directement, surtout aux jeunes travailleurs. Nous devons commencer par eux parce qu’ils savent qu’ils y sont confrontés. C’est pourquoi je parle d’école sur mon album. J’aimerais inciter les gens à casser la structure, à être désobéissants à l’école, à tirer la langue, à insulter l’autorité en permanence.

    John Lennon : Je pense qu’ici, cela ne serait pas trop difficile de faire en sorte que la jeunesse se mette en marche. Il faudrait leur donner carte blanche pour attaquer les conseils municipaux ou pour détruire l’autorité scolaire, comme les étudiants qui brisent la répression dans les universités. Cela se passe déjà, mais il faut que les gens soient un peu plus unis.

    Et les femmes sont aussi très importantes. Nous ne pouvons pas faire une révolution qui n’implique pas les femmes et les libère. La manière dont on vous enseigne la supériorité masculine est si subtile !

    Cela m’a pris pas mal de temps pour réaliser que ma masculinité réduisait une partie de l’espace pour Yoko. Elle est une ardente libertaire et elle m’a très vite montré où je me trompais, même s’il me semblait que j’agissais naturellement. Voilà pourquoi cela m’intéresse toujours de savoir comment ceux qui se prétendent radicaux traitent les femmes.

    Robin Blackburn : Je travaillais à Cuba lorsque Sgt Pepper est sorti et c’est à ce moment-là qu’ils ont passé du rock à la radio.

    John Lennon : Et bien, j’espère qu’ils se rendent compte que le rock’n'roll n’est pas la même chose que le Coca-Cola. Au fur et à mesure que nous dépassons ce rêve, cela devrait être plus facile : voilà pourquoi j’y mets maintenant plus de déclarations sérieuses et que j’essaye de me débarrasser de cette image de petit-minet. Je veux m’adresser aux bonnes personnes et je veux dire ce que j’ai à dire d’une manière simple et directe.

    Tariq Ali : Comment penses-tu que nous pouvons détruire le capitalisme ici, en Grande-Bretagne, John ?

    John Lennon : Je pense que ce n’est qu’en rendant les travailleurs conscients de la situation vraiment malheureuse dans laquelle ils se trouvent, en brisant le rêve qui les entoure. Ils croient vivre dans un pays merveilleux qui respecte la liberté d’expression. Ils ont des voitures et des télés et ils ne veulent pas penser qu’il y a autre chose dans la vie. Ils sont prêts à laisser leurs patrons les diriger, à voir leurs enfants foutus en l’air à l’école. Ils poursuivent le rêve de quelqu’un d’autre. Ce n’est même pas le leur. Ils devraient réaliser que les Noirs et les Irlandais sont harcelés et opprimés et que leur tour arrive.

    Dès qu’ils commenceront à être conscients de tout cela, nous pourrons vraiment commencer quelque chose. Les travailleurs peuvent commencer à prendre le pouvoir. Comme Marx le dit : ‘À chacun selon ses besoins’. Je pense que cela marcherait bien ici. Mais il nous faudrait aussi infiltrer l’armée, parce qu’ils sont très bien entraînés à nous tuer tous. (Extraits voir lien)

    Note de l’éditeur : Cela fait exactement 25 ans aujourd’hui que John Lennon a été assassiné devant le Dakota Building à Central Park (New York). La plupart des lecteurs de CounterPunch n’ont probablement pas lu l’interview de John Lennon qui suit et qui fut menée en 1971 par Tariq Ali et Robin Blackburn, tous deux collaborateurs de CounterPunch. Lennon raconte comment George Harrison et lui-même se sont opposés à leurs agents et se sont mis à enregistrer contre la guerre du Vietnam. Enfin, il rappelle qu’il a suggéré que les meilleures chansons de Dylan proviennent de ballades révolutionnaires irlandaises et écossaises et qu’il a disséqué ses trois versions de « Revolution ». Cette interview a paru dans The Red Mole, journal de la section britannique de la Quatrième Internationale. (IMG International Marxist Group dont Ali était membre )

    CounterPunch 8 décembre 2005

    Traduit de l’anglais par Jean-François Goulon


    CounterPunch.org




     
  19. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    Un chouette récit sur l'autostop au féminin [​IMG]

    Féminisme et autostop

    ...celui qui affirme que « c’est trop dangereux pour une femme ». Vous l’aurez deviné, le danger, c’est les hommes"...

    A lire en entier en suivant ce lien :emoji_arrow_right: Féminisme et autostop
     
  20. freedomcat

    freedomcat Membre actif

    :emoji_thumbsup:

    Quelle force de courage!

    :emoji_point_down:


    La résistante Madeleine Riffaud, en interview par
    Par Frédéric POUCHOT pour l'AFP
    , le 26 juillet 2019 à Paris



    "On a pris les armes de la douleur" :

    Madeleine Riffaud raconte la Libération.


    "Je lui ai donné deux balles dans la tempe, et voilà" : c'est par un beau dimanche de juillet 1944 que la résistante Madeleine Riffaud, alias Rainer, tua un officier allemand, en plein Paris et au grand jour, alors qu'elle n'avait pas 20 ans.

    Dans un entretien accordé à l'Agence France-Presse, l'ancienne résistante devenue ensuite grand reporter raconte son engagement dans la lutte armée et le soulèvement populaire qui libéra la capitale, événement joyeux mais terni par la mort et la déportation de nombreux camarades.

    C'est dans son appartement parisien, un cigarillo à la main, que Madeleine Riffaud, aujourd'hui âgée de 94 ans, confie ses souvenirs. Dans la pièce, les stores baissés pour préserver ses yeux, un oiseau pépie et des ventilateurs tournent à plein régime en cette fin d'après-midi d'été. Sur sa table basse, des verres en plastique offerts par l'école primaire de Ravenel (Oise), devenue cette année le premier établissement scolaire de France à porter son nom.

    - "Je voulais m'engager dans la lutte armée" -

    Madeleine Riffaud a 17 ans quand elle s'engage dans la Résistance, en 1942. Etudiante à Paris, férue de poésie, elle se surnomme "Rainer", en hommage au poète autrichien Rainer Maria Rilke. C'est durant l'hiver 1944 qu'elle bascule dans la lutte armée, après le massacre d'un groupe de résistants étrangers.

    "J'étais très émue et je me suis dit il y en a marre, je vais rentrer dans la lutte armée. Je l'ai dit à mon chef, et il m'a envoyé promener en me disant qu'ils étaient nombreux déjà et que j'étais une petite fille. Je lui ai dit que mon papa m'avait appris à tirer, j'étais un petit peu entêtée. Alors on m'a donné un rendez-vous pour entrer dans les FTP. (...) On m'a dit : tout de même, réfléchis bien car en ce moment , un groupe de FTP dure trois mois, ou peut être cinq mois grand maximum... Je me suis entendue répondre : je m'en fous."

    Au printemps, "on a reçu l'ordre d'intensifier les actions à Paris et en banlieue", pour préparer la Libération.

    "On a fait sauter des camions allemands, on a fait évader des prisonniers, on a fait plein de choses... Et moi, j'étais spécialiste du vol. J'aurais pu faire une belle carrière après la guerre. J'allais par exemple voler les tickets d'alimentation dans les mairies. Un de nos boulots, c'était d'aller voir les jeunes qui partaient pour le STO et de leur dire : pas un homme pour Hitler, on va vous aider".

    "En vue de l'insurrection il fallait de préférence faire des actions au grand jour, devant les Français, en plein midi, pour montrer qu'un jeune homme ou qu'une jeune femme pouvait faire sauter un camion, ou abattre un officier allemand et puis s'en aller à bicyclette".

    "La cadence des opérations s'est précipitée à partir du débarquement. Tout était coordonné."

    "On avait des ordres, il fallait obéir, quels que soient nos sentiments personnels (...) On ne fait pas une action armée comme on joue à la poupée. Si ça n'a pas de sens politique, ça ne sert à rien".

    "Mais on avait des difficultés : on avait eu des pertes très graves, et il fallait en faire plus, à une période où les Allemands se méfiaient. Dans les étudiants qui s'étaient enrôlés récemment, plusieurs m'ont dit : Rainer, j'avais un Allemand au bout de mon revolver... j'ai pas pu tirer, je n'ai pas été élevé comme ça. J'ai répondu : moi non plus..."

    - Un "beau dimanche" de juillet -

    "Le 23 juillet, c'est un dimanche, et je n'avais toujours pas fait démarrer mes gars. Ou ils sont morts, ou ils ne veulent pas y aller, ou ils n'arrivent pas à tirer dans le tas. (...).

    J'avais rendez vous tous les dimanches avec Manuel [un autre résistant] dans les jardins de Notre-Dame. Et je lui dis : Mauvaise nouvelle, [Charles] Martini [alias Picpus, autre compagnon d'armes] est mort. On est décimés. On ne va pas s'en sortir si je ne le fais pas (...) Alors tu me prêtes ton vélo et +Oscar+ [surnom donné au pistolet].

    Il ne m'a rien dit, il m'a donné ce que je lui demandais et c'est tout.

    Je suis montée sur mon vélo. J'ai longé la Seine. Il faisait beau, tous les Parisiens étaient dehors. C'était idéal. Et puis arrivée vers le pont de Solférino, vers la gare d'Orsay, je vois qu'il y a justement un gradé [allemand] qui est là, qui se balade sur ce pont. Je ne vois pas quelqu'un avec lui. Je me suis dit : mon vieux, c'est ta fête aujourd'hui. Alors je suis allée sur le pont avec mon vélo, et puis j'ai mis pied à terre. Et je vous assure que je n'avais aucune haine, aucune, j'avais plutôt du chagrin. Eluard a fait un très beau poème là dessus : +ils ont pris les armes de la douleur+. C'est bien ce que nous avons fait.

    Ça s'est passé très vite, j'ai vu un petit gars qui passait à proximité et je me suis entendue lui dire: va plus loin, petit garçon. Et puis j'ai attendu que cet Allemand veuille bien se retourner, parce que j'avais dans l'esprit que Martini s'était fait tirer dans le dos, et je ne voulais pas faire pareil et abattre, moi, un homme dans le dos, je voulais qu'il me regarde, qu'il ait le temps de sortir son arme et qu'on fasse ça à la loyale, même si ça durait une seconde. Il a fini par se retourner, parce qu'il a senti une présence. Là, je lui ai donné deux balles dans la tempe, et voilà. Il est tombé immédiatement et il est mort sur le coup, il n'a pas souffert du tout, je savais quand même comment tirer..."

    - "La maison de la mort" -

    "J'allais m'en aller bien tranquillement. Un agent de police au coin du pont m'a fait le salut militaire et m'a montré que la voie était libre (...). Je suis passée par les petites rues, mais j'ai entendu une voiture à essence derrière moi. L'essence, c'était seulement pour les Allemands ou pour les miliciens français... Je me dis ça y est, c'est foutu. (...) Je suis envoyée avec une force terrible sur le pavé. La voiture passe sur ma roue arrière, et je me retrouve dans le décor. J'avais un sac en bandoulière pour transporter Oscar, le revolver, et je le vois à 50 cm de moi. Je l'attrape dans le but de me finir moi-même."

    Le conducteur du véhicule, un chef de la milice de Versailles, "m'a attrapée et j'ai eu de la chance ce jour là parce qu'il aurait pu m'abattre tout de suite, mais il aurait pu aussi m'amener chez ses chefs nationaux. Et chez les miliciens, ils violaient systématiquement les femmes, quel que soit leur âge... Alors que la Gestapo, non, pour +protéger la race+.

    Il y avait des affiches dans tout Paris pendant l'insurrection disant que si on livrait un membre de la lutte armée aux Allemands, on avait une prime. Une bonne somme, ça ne se refuse pas. Alors, il m'a emmenée directement à la rue des Saussaies, [siège parisien de la Gestapo], la maison de la mort. Et j'ai vu qu'on lui a fait son chèque.

    Les officiers qui étaient là c'étaient pas des spécialistes en torture, parce qu'on était dimanche après-midi et qu'ils étaient partis se balader, heureusement pour moi. J'ai eu affaire à des officiers SS brutaux, qui m'ont assommée et frappée, mais n'avaient pas le raffinement des autres. Je leur disais : allez-y, tuez-moi, ça ira plus vite. Je ne dirai rien, je ne sais rien et de toute façon je trouverais normal que je sois fusillée le lendemain matin, c'est les lois de la guerre...

    J'ai été envoyée à la police française (...). Une femme les armes à la main, c'était pas mal de la confier à eux. Et ceux-là, c'étaient des spécialistes [en interrogatoire et torture] mais ils ne m'ont gardée que trois jours, parce que je leur ai fait des ennuis, je les ai énervés, agacés. Ils ont torturé une jeune femme enceinte. Et j'ai vu Fernand David [un officier des Brigades spéciales] -qui a été fusillé après la Libération-, il lui a donné des coups de pieds, avec ses bottes ferrées, dans le ventre, en lui disant : c'est un petit juif que tu as dans le ventre, dis moi le nom de son père. (...)

    On avait des salles communes et ils ont amenée cette femme qui était inanimée. C'était dans mon domaine [Madeleine Riffaud faisait des études de sage-femme] et c'est moi qui ai eu le privilège de faire venir ce petit enfant au monde. Je l'ai pris dans mes bras. C'était un garçon. Il était couvert de bleus. Les coups que sa mère avait reçus sur son ventre. Ils l'avaient tué. Il a poussé un petit cri et il est mort. J'ai dit à l'agent donnez-moi votre canif et j'ai coupé le cordon. Et puis je lui ai dit: maintenant la mère est en hémorragie, il faut absolument réveiller ton chef, parce qu'elle va mourir. Il faut l'envoyer tout de suite à l'Hôtel Dieu. L'agent répond : il est saoul à cette heure-là, tu veux me faire avoir un mauvais point? J'avais une colère blanche, alors j'ai bousculé l'agent, je frappe à la porte de David. (...) Il était en train de cuver son vin, il avait encore son nerf de boeuf à la main. Et je m'en vais lui dire : Monsieur, vous avez tué un enfant, vous allez tuer aussi sa mère? Vous croyez que ça va se passer comme ça? Cette femme, les gens s'en rappelleront et ce sera répété. Il m'a donné quelques coups pour garder la face, mais j'ai vu passer une civière pour emporter la femme...

    Le lendemain matin au petit jour, il me dit: tu nous as déjà assez embêtés, toi. Les Allemands nous font l'honneur de te donner à nous, on est Français comme toi et au bout de trois jours, tu fais un scandale à cause d'une femme juive ! Je ne te veux plus, j'ai appelé la Gestapo, dans une demi-heure ils viennent te chercher... (...) Tant pis pour toi, tu vas avoir les yeux crevés, tu vas être coupée en morceaux et là ils vont bien te faire parler. De toute façon tu vas être fusillée+. Mais c'est lui qui a fini fusillé avant moi..."

    La détention et les interrogatoires se poursuivent, notamment rue des Saussaies et à Fresnes, sans que Rainer ne craque. Elle manque de peu d'être fusillée le 5 août, puis, alors qu'elle doit être déportée le 15 août, elle s'échappe, est de nouveau capturée, puis libérée le 19 août, dans le cadre d'un échange de prisonniers.

    - "Paris était survoltée" -

    Rainer reprend presque aussitôt les armes alors que Paris est en plein soulèvement populaire. Elle intègre la compagnie Saint-Just, à la tête d'une petite unité dans le XIXe arrondissement.

    "On était considérés comme des vieux combattants parce qu'on avait fait de la lutte armée (...). Alors on pouvait encadrer la compagnie, qui avait recruté. Les gens arrivaient avant qu'on leur ait donné le mot d'ordre. Paris était survoltée. Les gens voyaient des combattants qu'ils ne connaissaient pas dans leur rue, avec ou sans barricades, et disaient : +je n'ai rien fait de toute la guerre, là nom d'un chien, je vais en être+. Alors ils descendaient et apprenaient à manier le fusil, très vite. Et puis on avait affaire aux mômes, qui étaient toujours dans nos jambes, et les femmes nous apportaient des brocs de café d'orge le matin. Elles faisaient des tas de choses, jouaient les agents de liaison à bicyclette. (...) Il y avait un soulèvement de tout Paris, un soulèvement joyeux. Ça m'a beaucoup frappé. Les gens s'aimaient et s'embrassaient comme ça, sans se connaître, pour rien. Et ça c'était chouette, surtout pour nous, de pouvoir se battre au soleil, au grand jour, pas de manière clandestine".

    On ordonne à Rainer de bloquer un train rempli de soldats allemands, sur la Petite ceinture.

    "J'ai répondu : j'ai quatre hommes en me comptant. On me répond: je m'en fous. Je comprends, c'est l'armée... Alors j'ai dit à mes petits gars : descendez à la cave, il y a des caisses d'explosifs de toutes sortes. Vous les prenez, on monte en vitesse et on se tire tous les quatre. Et je vois une petite caisse plus légère que les autres, je la monte... On arrive, et le train était déjà sorti, la locomotive était dehors, avec un wagon. Il y avait des Allemands sur le marchepied qui arrosaient le pont [tiraient]. On leur balance toutes nos caisses sur le pont et devant, ça explose, ça fait un bruit incroyable. Les hommes ont la trouille, ils ne s'attendaient pas à ça, et puis on tire de toutes nos armes pour faire peur aux Allemands là haut, et on jette [la petite caisse] : c'était des fusées de feux d'artifice pour un 14 juillet hypothétique. Ça a contribué à l'affolement de ces pauvres Allemands. Ils se sont retirés dans un tunnel. La locomotive était restée dehors. Les copains sont arrivés, il y avait les pompiers, le maire de l'arrondissement, ça tournait à la partie de campagne, c'était plutôt gai. Le temps passe, et le commandant Darcourt se ramène et crie : dans tout ce monde, il n'y a pas un cheminot pour retirer la locomotive? Dans un HLM à côté, il y avait un jeune retraité dont le métier est conducteur de locomotive. On m'envoie lui expliquer la chose. Le brave homme était en train de faire la vaisselle avec sa femme. Il dit à sa femme : je m'en vais mais dans 20 minutes je serai là. Il descend avec nous, et je lui explique qu'il va faire une cible idéale... Il me dit ne vous inquiétez pas, il est passé en dessous, il a décroché le wagon, a mis en route la locomotive, l'a arrêtée 500 mètres plus loin et a coupé les gaz, et il est rentré chez lui ! Devant l'absence de locomotive, et le temps passant, les Allemands sont sortis du tunnel, ils étaient 80 !"

    "Tout d'un coup, j'ai fait une connerie, j'ai dit à Max on est le combien? Il me dit on est le 23 août. Et j'ai dit : flûte alors, j'ai 20 ans aujourd'hui... On a fait la fête ce soir là", avec des victuailles emportées par les Allemands dans leur train.

    - Combattante jusqu'au bout -

    Après la Libération, Rainer veut intégrer l'armée régulière, comme ses camarades de combat, qui périront presque tous. "J'ai voulu y aller, mais j'ai été virée parce que j'étais une femme, et, circonstance aggravante, je n'avais pas 21 ans, l'âge légal"

    Commence alors une période difficile, marquée par la dépression. Jusqu'à la rencontre de poètes et d'artistes, Paul Eluard, André Vercors, Picasso, Aragon. "Ils m'ont empêchée de me finir, car il y a pas mal de résistants qui se sont suicidés après la guerre".

    Ils aident Madeleine Riffaud à trouver sa nouvelle voie : journaliste. Une façon pour elle, qui ne se considère pas comme un "ancien combattant", de poursuivre sa lutte pour la liberté. "J'étais reporter de guerre, j'ai fait l'Algérie, les maquis Viet-cong, le Laos, le Cambodge...". Elle continue également la poésie. Et, dans les années 1970, elle travaille incognito dans un hôpital et en tire un best-seller, "Les linges de la nuit".

    Durant tout ce temps, elle refuse de raconter son passé. Jusqu'à ce que son ami, le grand résistant Raymond Aubrac la secoue, un demi-siècle après la Libération.

    "C'était un très grand monsieur. Il est venu me voir et m'a dit : est-ce que tu vas continuer à fermer ta gueule? Je lui ai dit : et comment! Il m'a dit : bon, ça signifie que tes petits camarades, là, qui ont été fusillés à 17 ans, ça t'est égal que personne n'en parle... Je lui ai dit : là tu m'as eue. Bien sûr ça ne m'est pas égal. Eh bien alors, vas-y! Alors j'y suis allée, et depuis je ne fais que ça...".

    "On a pris les armes de la douleur": Madeleine Riffaud raconte la Libération
     
    Dernière édition: 7 Août 2019

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