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La Part des Autres et la Maison dans les Prairies

Discussion dans 'Forum Quebec Underground' créé par QC-Sombracier_qc, 11 Octobre 2016.

  1. QC-Sombracier_qc

    QC-Sombracier_qc


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    23 Septembre 2016
    Je ne savais où poster ceci, mais puisque ce site est un lieu de connaissance et de savoir, j'ai voulu au moins y mettre mon grain de sel sur la culture québécoise en reproduisant un texte que j'avais composé pour un cours. Ça traite d'une pièce de théâtre, Une partie de campagne, pièce écrite par le premier dramaturge canadien-français né en sol québécois, Pierre Petitclair. Les notes de bas de pages n'ont pas été reproduites, malheureusement, mais j'ai laissé la bibliographie en fin de texte. La pièce est disponible en libre circulation sur internet. Veuillez me pardonner mes fautes d'orthographes et, surtout, bonne lecture!

    La Part des Autres et la Maison dans les Prairies

    C'est en 1763, à la signature du Traité de Versailles que les terres de la Nouvelle-France furent cédées à l'Empire britannique, devenant ainsi possession anglaise et arborant la nouvelle qualification de “Province of Quebec”. Au fil des années de domination politique et culturel d'un nouveau système de colonisation impérialiste et globalisant, le cas des Canadiens-Français, une ethnie d'Amérique du Nord qui descend des anciens colons venus de France, représentent un cas particulier de résistance face à un système qui visait, ultimement, son assimilation. Voués à l'analphabétisme et à l'erreur historique, les Canadiens-Français ont su maintenir leurs traditions et leur culture bien vivante grâce notamment à la transmission orale des coutumes et des moeurs, en plus, évidemment, du parler français lui-même. De la Province of Quebec au Bas-Canada au Canada-Est jusqu'à l'actuel province de Québec, l'identité francophone des québécois et des québécoises a su se maintenir et survivre grâce à un très fort héritage culturel et patrimonial, transmis de générations en générations et qui continue aujourd'hui à se perpétuer. Cette nouvelle cohabitation avec les Canadiens-Anglais a de quoi marquer l'imaginaire d'une culture naissante, et l'art québécois, attendu depuis bien longtemps, reflétera cette nouvelle réalité double. Le théâtre, en particulier, fera abondamment référence à l'aspect dualitaire de cette société qui s'est bâtie sur les versants du fleuve Saint-Laurent. Un homme en particulier, Pierre Petitclair, marquera son époque par l'écriture de ce qui est reconnu aujourd'hui comme les premières comédies entièrement canadiennes-françaises et traitant de problématiques canadiennes-françaises. Ce texte s'attardera sur l'une de ses peu nombreuses pièces, Une partie de campagne, une comédie de moeurs rédigée en 1856, trois ans avant la mort de l'auteur. L'ancrage dans la réalité de la société québécoise est manifeste et transcende l'ensemble de la pièce, qui cherche à rendre compte de l'état de la société canadienne-française. Pour illustrer ce propos, il sera démontré comment Une partie de campagne joue autour du motif du miroir en lui accolant le concept maître de dualité. Puis sera esquissé un portrait tout aussi typique de la civilisation qui s'est établie dans le bassin du Saint-Laurent, soit un rapport intime avec le fait religieux entremêlé d'un plaidoyer pour un rapprochement avec la nature.

    Dualité et miroirs

    Le théâtre québécois a connu de nombreuses naissances, certains plaçant sa naissance avec les pièces de Gratien Gélinas, d'autres avec celles de Michel Tremblay, certains iraient même jusqu'à affirmer que la naissance du théâtre au Québec coïncide avec la représentation du Tartuffe de Molière à la fin du XVIIe siècle, à l'époque de la Nouvelle-France. Il s'agit là d'une donnée bien difficile à attribuer, si bien qu'en ce qui concerne le théâtre québécois, mieux vaut parler de “renaissances multiples” plutôt que de fixer sa naissance à un point fixe dans le temps. Jean-Marc Larrue, éminent professeur d'analyse et de pratique théâtrale, voit le caractère presque insaisissable du théâtre québécois au XIXe siècle, insistant sur le fait que «*le caractère imprévisible et l'ampleur de ses apparitions et disparitions désarment». Si Pierre Petitclair n'a pas inventé le théâtre québécois à proprement parler, c'est tout de même vers lui qu'il faut se tourner si l'on souhaite contempler les origines de la comédie de moeurs au Canada-français. Le dramaturge se retrouve d'ailleurs dans un bien étrange contexte d'écriture. Né en 1813 et mort en 1860 Pierre Petitclair aura notamment été conteur, poète, dramaturge et écrivain. À la seule représentation d'Une partie de campagne du vivant de l'homme de lettres, l'imprimeur Joseph Savard écrit dans la préface de l'édition de la pièce que celle ci «*fut reçue avec enthousiasme par un auditoire d'élite et très nombreux, qui ne manqua pas de lui prodiguer ses applaudissements». Pierre Petitclair écrira la majeure partie de son corpus littéraire entre la Rébellion des Patriotes de 1837-1838 et l'avènement de la nouvelle confédération canadienne en 1867. Il écrit donc au beau milieu d'une société en plein changement, une société qui se renouvelle et qui est même sur le point de carrément changer de système politique. Un foisonnement sociétal marqué, inévitablement, par le côtoiement de deux cultures distinctes à deux langues historiquement rivales sur leur continent d'origine*: l'anglais et le français. Une telle coexistence, une agglutination forcée de deux cellules à fortes résistance et à faible résilience dont les répercussions ébranlent ce bout de terre de l'est de l'Amérique du Nord et façonnent profondément l'imaginaire collectif et partagé de cette communauté écclectique. Pierre Petitclair, à l'affût et sensible aux transports qui traversent l'esprit des anciens Néo-Français, transcrira dans son ultime opus le penchant de ceux-ci pour l'anglomanie. Dualité, certes, mais une dualité accompagné d'un brouillard d'incertitude. Janusz Przychodzen écrit dans sa monographie portant sur la théâtritude du Québec*: «*Notons qu'un groupe assez significatif de textes met en scène des personnages hautement ambigus du point de vue identitaire.*» Le parfait exemple du motif de l'ambiguïté identitaire dans Une partie de campagne est William, anciennement Guillaume, fils de Louis le bourgeois. Dès la première scène, en plus d'introduire les raisons de la visite de Louis, de la ville, chez son frère Joseph, à la campagne, Petitclair explique que c'est William lui-même qui a décidé de changer de nom. Lorsque Joseph fait remarquer qu'il s'agit d'un prénom anglais, Louis lui rétorque que «*c'est pour cette raison qu'il l'a adopté*». Le jeu étymologique sur Guillaume et William est malin puisqu'ils partagent exactement la même racine étymologique et le même sens en plus de présenter avec adresse le motif de l'anglomanie, une anglomanie qui, aux yeux des autres personnages, ne fait aucun sens. Cette dualité axée sur le jeu langagier se poursuit de plus belle au courant de la pièce alors que William fait la cour à Malvina, la sœur de son ami Brown, tout deux bourgeois. Dans sa tentative de séduction, William entretient avec les habitants de son village natale un mépris et une suffisance à peine dissimulés. William réserve la même outrecuidance à Baptiste, son ami d'enfance, qui ne le reconnaît tout simplement plus. William incarne cette nouvelle génération urbaine qui est fortement influencé par l'hégémonie anglaise et le choc avec ses anciens camarades ruraux est brutal. C'est avec justesse que Baptiste le qualifiera de «*Gouliamme*», mi-anglais et mi-français. De cette façon, Baptiste insiste sur la dualité identitaire de William. Il est en quelque sorte le fruit d'une seconde vague de colonisation, menée cette fois par les Britanniques et dont la domination passe d'abord par les grands centres urbains de l'époque, c'est-à-dire Montréal et Québec.

    Si William est l'incarnation maîtresse du trouble identitaire québécois, il est aussi le prétexte qui pave la voie à une plus grande interprétation de la dualité dans le texte. En effet, cette dualité qui transcende l'époque de Petitclair peut aisément être déconstruite en plusieurs petites dualités auxquelles le dramaturge fait abondamment référence. Pour les énumérer, il y la dualité entre la campagne et la ville, les bourgeois et les villageois, l'anglais et le français et les hommes et les femmes. Chacune de ces paires manichéennes est amplement démontrées dans la pièce en plus d'avoir des représentants qui glissent d'une catégorie à l'autre. Par exemple, Louis est un homme français bourgeois et urbain, Flore est une femme française villageoise et rurale tandis que Malvina est une femme anglaise bourgeoise et urbaine. Il y a une mixité dans l'air au Canada-Est, un mélange à venir mais qui ne va pas sans créer de nombreux remous. Dans son essai sur la mémoire théâtrale au Québec, Jean-Marc Larrue qualifie d'entrée de jeu*:*«*S'il est un thème omniprésent (je dirais volontiers obsessionnel) dans l'histoire théâtrale du Québec, c'est bien celui de l'appropriation et, plus globalement, de la propriété. Cette obsession n'est en fait qu'une quête vitale, la quête de l'identité.*» Les personnages d'Une partie de campagne sont en quête, ils recherchent quelque chose, une sorte de révélation mêlée à un ressourcement bienfaiteur. C'est Joseph qui dit à son frère qu'il est «*justement comme tous les gens de la ville qui viennent se désennuyer dans ces endroits. Ils s'amuseront une journée entière à admirer une fleur, au lieu que nous autres, dites donc, nous n'en faisons pas plus grand cas que d'une mouche*». Au même titre que Louis cherche à se rapprocher de la campagne et de son frère, de même que son fils William cherchera par tous les moyens à effacer de son esprit les souvenirs liés à son village sur les bords du lac Calvaire, aujourd'hui le lac Saint-Augustin, un peu en amont de la ville de Québec. Tout le monde dans cette pièce de théâtre semble, en fait, attiré par son contraire, du fait de la complémentarité qui en est issue. William est attiré par Malvina qui est mariée à un Français, Brown épouse Eugénie et Baptiste se marie avec Flore. Cet étrange jeu interpersonnelle se veut être un parfait reflet de l'état d'une société, et c'est le rôle du théâtre de mettre en scène cet état, de montrer au public son propre miroir.

    Le miroir est partie prenante du développement thématique du concept de dualité. La puissance d'Une partie de campagne réside dans l'accomplissement du reflet de l'état de société du Canada-Est, une décennie avant la Confédération. En fait, sa résonnance est à ce point évocatrice que le genre et la structure même de la pièce participe savamment à l'élaboration de cette réflexion. Le collectif d'auteurs chargés de la rédaction du Dictionnaire du littéraire qualifie, en ses termes, la comédie telle qu'elle fût employée notamment chez les dramaturges comiques romains, mais également leurs successeurs européens et occidentaux*: «*Chez eux, la comédie est envisagée comme développement d'une action mimétique du réel. On y retrouve les personnages typés, les intrigues de trompeurs-trompés et d'amours contrariées de jeunes gens.*» Le cadre d'Une partie de campagne correspond parfaitement au modèle antique de l'écriture comique. La référence latine est particulièrement importante dans le cas de Petitclair. En effet, dans un rare portrait de l'auteur, Daniel Perron indique dans une édition publiée en l'an 2000 du journal Cap-aux-Diamants que Petitclair a étudié le latin dans le cadre de ses études classiques. Véritable homme de lettres, Petitclair a très bien conscience des théories poétiques du théâtre et de son évolution à travers le temps. D'ailleurs, toujours dans la même veine antique, c'est en explicitant sur les différents types d'imitation qu'Aristote fondent les grandes caractéristiques de la tragédie et de la comédie, écrivant quatre-cent ans avant Jésus-Christ*: «*C'est la même différence qui permet à la tragédie de se distinguer de la comédie*: l'une entend en effet imiter des hommes pires, l'autre meilleurs que les contemporains.*» Cette dernière citation correspond bien sûr au fait que les tragédies mettent en scène des gens de nobles origines au caractère fatalement exceptionnel tandis que la comédie se concentre plutôt sur des actions basses de moindre origine. Le choix d'opté pour la comédie de la part de Petitclair est tributaire d'une volonté d'imiter la réalité*: le Canada-Est, actuelle province de Québec, est une terre qui a été dépossédée de ses nobles et de ses figures aristocratiques, ne laissant derrière que quelque bourgeois et d'incrédules paysans. Le fait aussi que Petitclair ait divisé sa pièce en deux actes renforce le caractère binaire qu'il souhaite donner à Une partie de campagne. Bien que le nombre de scène ne soit pas égale, on peut y voir là une tentative de changer l'angle du miroir, d'indiquer la différence notable et de s'en accomoder, s'en imprégner.

    Nature et religiosité

    La nature joue un rôle prépondérant dans Une partie de campagne. C'est elle qui, en premier lieu, attire le frère de Joseph, Louis, en raison de son aspect bienfaiteur et relaxant. La nature rappelle à l'humain son stade premier, son origine. L'action de la pièce se déroule dans le village natal de Pierre Petitclair*: Saint-Augustin-de-Desmaures, autrefois tout simplement Saint-Augustin. Il est ironique de constater que la dernière pièce à vie du dramaturge le fait retourner là où tout à commencer pour lui. Pour ce qui est de la petite municipalité, celle-ci existe depuis 1691. Autour des années 1855, le village connaît une période de changement*:

    Ayant profondément marqué le paysage pendant deux siècles, le régime seigneurial est aboli en 1854. Après quelques tentatives de mise en place d'une forme d'administration municipale, l'Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada est adopté en 1855. Il donne naissance aux fondements du régime municipal tel que nous le connaissons encore aujourd'hui. [...]Village essentiellement agricole, Saint-Augustin compte alors 1750 habitants, sa population demeurera relativement stable pendant un siècle.


    Communauté rurale, le village de Saint-Augustin est un excellent cadre pour Petitclair afin d'y situer sa pièce. Le village, en ce sens, est très près de la nature. Celle-ci est glorifier et le travail de la terre, nécessaire à la vie agricole, fait en sorte de tisser des liens durables avec les humains. Dans la pièce, plus précisément, c'est la nature qui ouvre la pièce. La didascalie initiale indique: «*Le théâtre représente un salon; porte au fond et fenêtres ouvertes, par lesquelles on voit des arbres, des fleurs, etc.*» Témoin privilégiée de tout le processus dramatique, la nature reste impassible à tout le chamboulement qui se déroule devant ses yeux. La fenêtre ouverte qui mène directement à elle soutient une certaine tension, un désir d'aller vers celle-ci. Fait intéressant, il n'y a pas de mère dans cette pièce. C'est soit que la mère est une figure en gestation (Eugénie et Flore qui deviendront bientôt mères) ou qu'elle ait été délibérément retirée de la pièce. En ce qui concerne la figure maternelle, il vaut mieux se tourner vers la nature elle-même, lieu de naissance idéal et par excellence, véritable mère de toutes formes de vie, une Dame Nature personnifiée. Le fait que Joseph ait appelé sa fille Flore rajoute davantage de poids à cette théorie. Cette nomenclature indique non seulement que la flore en général est associée à une figure de féminité, mais aussi que les personnages ruraux ont un très fort attachement aux arbres, à la terre et à l'entièreté du temple de Déméter. À ce sujet, Le Dictionnaire du littéraire indique*: «*Ce naturel n'est pas dénué d'implications idéologiques. Il renvoie à la question de l'inné et de l'acquis.*» Dans la pièce, la nature agit aussi à titre de moteur dramatique. Dans un des moments cruciaux de la pièce, Baptiste, qui n'en peut plus de l'attitude de «*Gouliamme*», jette celui-ci à l'eau, feignant de le laisser se noyer, un rappel à leur passé à tous les deux alors que Baptiste avait sauvé son ami Guillaume des eaux du lac Calvaire. Elle est donc nostalgie, mais aussi changements et mouvements. Cet épisode où Baptiste pousse William dans le lac est uniquement rapporté – l'entièreté de la pièce se déroule dans le salon de la maison familiale de Joseph. Les événements qui se passent à l'extérieur de la maison sont débattus et discuter dans le salon, toujours avec cette fenêtre ouverte sur la nature. Nous avons mentionné plus haut que c'est la nature qui ouvrait la pièce*: qu'à cela ne tienne, c'est également la nature qui ferme Une partie de campagne. Alors que l'on vient d'annoncer le double mariage fortui de Baptiste et Flore et de Brown et Eugénie, Joseph invite tout le monde à le suivre jusqu'au lac. Petitclair écrit dans sa didascalie finale*:

    Il s'en va en chantant ''À la Claire Fontaine'', Brown et les autres le suivent et chantent avec lui. […] On opere un changement de scène à vue représentant un bois et au fond le lac Calvaire; puis, les paysans repassent de nouveau par un autre plan, toujours en chantant, et disparaissent par le fond. Le rideau tombe, et l'orchestre continue l'air ''À la Claire Fontaine''.

    L'omniprésence de la nature est là pour participer à l'artifice de l'imitation aristotélicienne. Mis à part le couloir qui va de Montréal jusqu'à Québec, le reste du territoire québécois est très peu développé et reste essentiellement rural, alternant entre des pratiques telles la l'agriculture, la chasse, la pêche ainsi que l'industrie forestière. La pièce de Petitclair participe de cette manière à l'édification d'un portrait fidèle de la société québécoise du milieu du dix-neuvième siècle.

    La religiosité se manifeste grandement, elle aussi, dans Une partie de campagne. Joseph, Louis, Baptiste, Eugénie Guillaume et William sont tous des nom chrétiens. Les seules noms qui n'ont aucune conotation religieuse sont Brown, Malvina et Flore. Baptiste, cependant, possède une charge supplémentaire aux autres. En effet, lorsque Flore interpelle William sur le fait qu'il est incapable de reconnaître Baptiste, celle-ci raconte*:*«*Est-il possible que vous méprisiez celui qui, au risque de périr lui-même, vous sauva la vie autrefois, en vous retirant de l'eau où vous alliez infailliblement vous noyer? Est-ce là la reconnaissance que vous lui montrez?.*» Non seulement le nom de Baptiste rappelle-t-il le personnage de Jean le Baptiste dans la Bible, il en incarne aussi les agissements. Jean le Baptiste, entre autre chose, baptisait les gens dans le fleuve Jourdain – ainsi que Jésus le Christ lui-même. De plus, depuis la première moitié du XIXe siècle, Saint-Jean-Baptiste est aussi reconnu comme étant le saint-patron des Canadiens-français. Baptiste illustre aussi le lien étroit que Petitclair a tissé entre la nature et la religiosité. Un détail intéressant fait son apparition au détour de la cinquième scène du premier acte alors que le principal intéressé déclare en grande pompe à Flore (dans un parler très populaire)*:*«*I'n's'ra pas dit que Baptiste Latulipe a des parents qu'ont honte de lui.*» Un nom aux apparenrences religieuses vient soudainement de gagner un nouvel axe interprétatif par l'ajout de ce détail inopiné*: le nom de famille de Baptiste est Latulipe. Le nature et le religieux s'entremêle d'une bien drôle de façon dans la pièce. C'est, après tout, Baptiste qui finira par épouser Flore, qui deviendra vraisemblablement Madame Flore Latulipe. D'autant plus que Flore, par son prénom révélateur, institue un lien puissant avec la nature. Si le mariage de Brown et Eugénie lie par cette union les anglophones et les francophones, le mariage de Baptiste et Flore, lui, fusionne le sacré à la nature, rendant cette dernière, par le fait même, pure et sainte. Le sanctuaire se sanctifie, se sacralise et entrevois, pour les Canadiens-français, un avenir fécond par le rapprochement de la religiosité à l'état de nature. Le caractère sacré de la pièce (le lac Calvaire renvoie à la montagne où Jésus s'est fait crucifié) n'est pas à confondre avec le clergé. Ce dernier, remarque Jean-Marc Larrue, a une attitude défavorable envers le théâtre*:*«*Le comportement conservateur de l'église du XIXe siècle (dont Mgr Fabre demeure le dernier représentant à Montréal) a indubitablement porté préjudice à l'activité dramatique francophone.*» Petitclair ne fait ni l'éloge ni une diatribe contre le clergé, qu'il a tout simplement évacué de sa pièce au même titre que la figure maternelle. Ce n'est pas de cela dont veut parler Petitclair, de toute façon. Le dramaturge prône davantage un retour à la terre qu'il voit comme sacré et qui n'est pas sans rappeler un mouvement artistique qui connaîtra un fort succès dans les premières années du XXe siècle*: le terroir.

    En conclusion, c'est bel et bien une pièce de théâtre reflétant l'état de la société canadienne-française du milieu du XIXe siècle que nous présente Pierre Petitclair avec Une partie de campagne. La pièce fait amplement mention de la situation binaire et dualitaire qui traverse ce territoire nouvellement conquis, en plus d'offrir un fabuleux jeu de miroirs qui pointent les nombreux travers de cette société. De plus, le dramaturge pointe avec habileté la dimension sacré qu'il souhaite donner à la nature, déconseillant par ce choix artistique d'opter pour la ville et de plutôt commencer une quête du «*devenir naturel*», de retour à l'origine, un choix qui touche directement les Québécois francophones en raison de la très forte ruralité des citoyens. Par la mimésis théâtrale, Petitclair souhaite mettre en garde ses congénères contre une urbanisation maladive et une anglomanie absurde, surtout à l'aube de la nouvelle confédération canadienne, un propos qui, manifestement, va à contre-courant de la production artistique à laquelle s'était habitué le Canada-Est.



    Bibliographie

    Monographies

    -ARISTOTE, Poétique, Paris, France, éditions Le Livre de Poche, coll. «*Les Classiques de Poche*», 2014, 216 pages.
    -ARON, Paul et al., Dictionnaire du littéraire, Paris, France Presse Universitaire Française, coll. «*Quadrige*», 2010, 814 pages.
    -LARRUE, Jean-Marc, Le Théâtre à Montréal à la fin du XIXe siècle, Montréal, Canada, éditions Fides, 1981, 141 pages.
    -PETITCLAIR, Pierre, Une partie de campagne, Québec, Canada, Institut canadien de microreproductions historiques, coll. «*microfiche series*», 1985, 61 pages.
    -PRZYCHODZEN, Janusz, Vie et mort du théâtre au Québec, Paris, France, éditions de l'Harmattan, 2001, 431 pages.

    Site Internet

    -PERRON, Daniel, Pierre Petitclair (page consultée le 29 avril 2016), [En ligne] Lien URL*:http://id.erudit.org/iderudit/7672ac
    Société d'histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures, Historique (page consultée le 29 avril 2016), [En ligne] Lien URL*: http://www.ville.st-augustin.qc.ca/ville/historique
     
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